Au Mipim 2018, des visiteurs s’arrêtent devant une maquette de Saint-Pétersbourg. / VALERY HACHE / AFP

Des maquettes épatantes et des conférences consensuelles, une cohue de congressistes et des négociations feutrées, des cocktails sur des yachts et de gros chèques en perspective : le 30e Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim) prend possession du Palais des festivals de Cannes, du mardi 12 au vendredi 15 mars.

Avec plus de 5 000 investisseurs, 26 000 participants d’une centaine de pays, 80 des 100 plus gros fonds d’investissement au monde, 40 des plus importants fonds de pension et fonds souverains, le Mipim reste le rendez-vous ensoleillé des promoteurs et des collectivités en mal de liquidités et des financiers en quête de placements.

L’argent, le béton et le champagne vont couler à flot sur la Côte d’Azur. Mais cap de la trentaine aidant, le Mipim a décidé cette année de donner du sens à la fête et à son activité.

Une réflexion sociétale

« Nous allons nous transformer en profondeur, nous ne voulons plus être uniquement le salon de l’immobilier mais le rendez-vous de la ville, en mettant l’accent sur les questions sociétales, les habitants », explique Filippo Rean, le directeur de la division immobilier de Reed Midem, l’organisateur du Mipim. Symbole de cette mutation : c’est l’ancien secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui ouvrira le salon par une allocution inaugurale aux accents de développement durable et d’enjeux planétaires.

« L’urbanisation du monde est la principale tendance du moment, et elle s’accompagne d’autant de dégâts que d’opportunités, observe M. Rean. En donnant plus de sens au Mipim, nous pouvons aider la transformation de l’industrie de l’immobilier, qui a besoin de s’interroger et de se renouveler pour continuer à faire tourner son modèle. » Le directeur du salon l’assure : le marché a besoin d’intégrer une réflexion sociétale sur les changements de comportements pour se projeter à dix ans et s’assurer que ses investissements ne seront pas que des placements à court terme. L’impact de la révolution du e-commerce sur l’immobilier commercial en est une preuve éclatante…

Une conférence sur la crise du logement donnera notamment le micro au délégué général de la Fondation Abbé-Pierre inattendu dans cette enceinte dorée

La réflexion sur les usages et le besoin d’innovation concerne l’immobilier de bureaux, mais aussi le logement, secteur en forte croissance au Mipim, qui a longtemps largement ignoré cet investissement à la rentabilité incertaine. Pour la première fois, une conférence sur la crise du logement donnera notamment le micro au délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, inattendu dans cette enceinte dorée. « La problématique du logement devient centrale : c’est la première préoccupation des élus qui viennent au Mipim », assure M. Rean.

Un bon thermomètre

Si le marché s’intéresse davantage à l’habitat, c’est aussi que la mixité d’usage a fait son chemin : les collectivités imposent de plus en plus souvent des projets urbains mêlant bureaux, logements, commerces… « Le problème, c’est que le modèle économique du logement n’est pas clair pour un investisseur, qui ne sait pas toujours comment atteindre une rentabilité fiable et prévisible », explique le dirigeant de Reed Midem. C’est ce qui explique la forte présence, sur le salon, des résidences étudiantes ou seniors, des catégories de logements dont l’architecture est avant tout financière.

Quête de sens ou pas, l’immobilier restera un secteur spéculatif et le Mipim une scène où exposer les projets les plus spectaculaires du moment. Pas de quoi redouter l’éclatement d’une nouvelle bulle, toutefois, selon M. Rean, pour qui le Mipim est un bon thermomètre : « Avant 2008, on avait observé une vraie fièvre, une montée inexplicable de l’activité. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, même s’il y a beaucoup de liquidités et que le marché tourne. »