Le recours aux tests osseux sur des mineurs étrangers isolés – pour déterminer leur âge – est-il conforme à la Constitution ? C’est la question à laquelle vont devoir répondre les membres du Conseil constitutionnel, mardi 12 mars.

A l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), un jeune Guinéen, Adama S., qui avait assuré avoir 15 ans à son arrivée en France, en 2016. Renvoyé vers le conseil départemental de l’Ain, Adama S. avait refusé de se soumettre à ces examens radiologiques. Un juge des enfants en avait déduit en 2017 qu’il n’était pas mineur et avait levé son placement auprès de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Le jeune homme avait fait appel en acceptant cette fois les tests osseux.

En juillet, la cour d’appel de Lyon avait estimé son âge entre 20 et 30 ans et confirmé qu’il ne bénéficierait pas de l’ASE. Il avait formé un pourvoi en cassation. A l’appui de ce pourvoi, sa défense a déposé une QPC visant l’article 388 du code civil, qui encadre depuis 2016 le recours à ces examens radiologiques – souvent effectués sur la main ou le poignet – pour déterminer l’âge d’un jeune. La Cour de cassation a transmis en décembre la question au Conseil constitutionnel.

« Le doute profite à l’intéressé »

Selon l’article visé, « les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé ». Avant de poursuivre : « Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé. »

Pour l’avocate d’Adama S., Isabelle Zribi, le recours à ces tests non « fiables » « porte atteinte à la protection de l’enfance et au droit à la santé et à la dignité » des migrants mineurs. Elle pointe « la très large marge d’erreur » de ces examens et le risque que cela induit : « priver des mineurs de la protection de l’Etat [français], les livrer à la rue ».

« Invasifs et non fiables » pour le Défenseur des droits

Utilisés dans de nombreux pays européens pour déterminer l’âge des jeunes migrants lorsqu’un doute subsiste, ces tests de maturité osseuse sont très critiqués, notamment par les associations d’aide aux migrants, par certains médecins et professionnels de la justice. En cause : leur caractère obsolète – ils reposent sur des données statistiques collectées dans les années 1930-1940 sur une population américaine et bien portante – et leur marge d’erreur, d’au moins dix-huit mois pour les 16-18 ans, la tranche d’âge concernée.

Plusieurs organisations militent pour les remplacer totalement par d’autres techniques d’enquête, psychologiques, sociales et éducatives. Dans un communiqué diffusé en février, les ONG Médecins du monde et le Secours catholique, ainsi que la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature et la Cimade ont demandé l’interdiction de ces tests. Ils dénoncent « l’absence de pertinence scientifique et éthique de ces tests et leur caractère attentatoire aux droits de l’enfant » et critiquent notamment « l’exposition d’enfants à des rayons irradiants, potentiellement dangereux pour la santé, sans aucune finalité thérapeutique ». Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, est lui aussi opposé à ces examens « invasifs et non fiables ».