Le président Macron avec son homologue djiboutien, Ismail Omar Guelleh, devant le palais royal de Djibouti, mardi 12 mars. / LUDOVIC MARIN / AFP

La rutilante nouvelle aile du palais de la présidence djiboutienne a été construite par les Chinois. En face, une immense mosquée flambant neuve construite par les Turcs et surnommée « mosquée Istanbul » doit bientôt être inaugurée peut-être en présence de Recep Tayyip Erdogan, le président turc qui s’était déjà rendu à Djibouti en visite officielle il y a quatre ans.

« Les Chinois, les Turcs ont des moyens et une vision : les nouvelles routes de la soie pour les premiers et pour les seconds la mémoire ottomane, quand Djibouti était leur porte vers l’Afrique », souligne un membre de l’entourage du président djiboutien, Ismail Omar Guelleh. « Les Français n’ont pas d’argent et, commercialement, ils ne comptent plus guère pour nous, même s’ils sont importants sur les plans diplomatique, culturel et militaire », insiste-t-il, ajoutant en plaisantant : « Emmanuel Macron vient pour fuir les gilets jaunes”. »

Un carrefour stratégique majeur

Installé au sud de la mer Rouge juste en face du Yémen, dont la côte est à quelques dizaines de kilomètres à vol d’oiseau, et frontalier de la Somalie, Djibouti est un carrefour stratégique majeur de la corne de l’Afrique. Les troupes djiboutiennes représentent près du tiers de celles engagées dans le cadre de l’Opération des Nations unies en Somalie (Unisom). Ce port est aussi la traditionnelle ouverture vers la mer de l’Ethiopie.

Les Français y conservent leur plus importante base opérationnelle hors du territoire national avec 1 450 hommes, les Américains y ont installé la leur mais aussi les Japonais, dont c’est la seule installation militaire hors de leur territoire. Depuis 2017 sont également présents les Chinois, dont la présence économique, politique et militaire se fait toujours plus active. A Djibouti, défilent les chefs d’Etat et de gouvernement de la région, dont récemment le premier ministre réformateur éthiopien, Abiy Ahmed.

Paris doit regagner le terrain perdu. « La France nous a négligés et n’a pas voulu ou pu nous donner ces dernières années les investissements dont nous avions besoin », regrette un diplomate djiboutien. Un certain ressentiment vis-à-vis de l’ancienne puissance tutélaire du « territoire français des Afars et des Issas », devenu indépendant en 1977, est palpable. La capitale n’est pas pavoisée aux couleurs de la France pour cette visite officielle. « On se croirait dans une visite en Algérie », ricane un habitué des voyages présidentiels dans la région.

Endettement insoutenable

Emmanuel Macron veut tourner cette page et relancer les relations. Le moment est propice, car l’endettement de Djibouti, notamment vis-à-vis de la Chine devient de plus en plus insoutenable. A elle seule, elle détient 60 % de la dette du pays.

« Quand un endettement se fait excessif, avec un manque de visibilité sur les conditions financières, ce qui paraît bon dans le court terme s’avère souvent mauvais sur le moyen et long terme », a déclaré le président français, lors de sa conférence de presse conjointe avec son homologue djiboutien, Ismail Omar Guelleh, soulignant la nécessité « d’un cadre clair pour que de tels investissements ne réduisent pas la souveraineté des Etats ni ne fragilise leur situation économique ». C’est une mise en garde explicite aux autorités djiboutiennes, mais aussi un appel à une meilleure réglementation internationale.

Emmanuel Macron passe les troupes françaises en revue, à la base française de Djibouti, mardi 12 mars. / LUDOVIC MARIN / AFP

Le président français a conclu son étape djiboutienne par une visite à la base militaire française 188 avec une adresse aux militaires, saluant « leur capacité à rayonner dans toute la région, à lutter contre le terrorisme et contre la piraterie et faire face à tous les risques ». « Votre mission ici, a-t-il insisté, permet de protéger, de renseigner, de lutter contre de telles actions. »