Juan Guaido devant l’Assemblée nationale réunie en session extraordinaire, lundi 11 mars 2019. / EDUARDO VERDUGO / AP

L’opposant vénézuélien Juan Guaido appelle de nouveau la population à manifester à Caracas et « partout dans le pays » mardi 12 mars, au cinquième jour de la gigantesque panne de courant qui paralyse le pays. « Non, la situation n’est pas normale et nous n’allons pas laisser se normaliser cette tragédie », a-t-il insisté, énumérant les nombreuses pénuries, dont celle de l’eau, qui devient particulièrement aiguë.

Arguant de la situation « calamiteuse », alimentaire et sanitaire, après cent heures sans électricité, l’Assemblée nationale, seule institution contrôlée par l’opposition, a décrété lundi l’état d’alerte dans le pays à la demande de M. Guaido, président de l’Assemblée et chef de l’Etat par intérim autoproclamé reconnu par une cinquantaine de pays. « L’état d’alerte est décrété sur tout le territoire national […] en raison de la situation calamiteuse dans le pays due à l’interruption de l’électricité », dispose le décret soumis par M. Guaido.

L’opposant a par ailleurs décrété la suspension des livraisons de pétrole à Cuba, défendant la nécessité de faire des « économies d’énergie », au moment où la population est confrontée à la pire crise énergétique de l’histoire du pays, malgré ses colossales réserves d’or noir. « Plus de pétrole pour Cuba ! », s’est écrié M. Guaido, alors qu’en vertu d’accords bilatéraux signés avec le défunt président Hugo Chavez, le Venezuela envoie environ 90 000 barils par jour à son allié socialiste. Cette mesure a aussitôt suscité une vive réaction de La Havane, qui a dénoncé dans un communiqué des « mensonges ».

L’état d’alerte – qui correspond à la phase préliminaire avant l’état d’urgence – reste toutefois symbolique : en effet, M. Guaido ne dispose pas des moyens de le faire appliquer. Il n’a pas la main sur l’armée, ni sur la police ou sur le reste de la fonction publique, qui sont sous le commandement du président Nicolas Maduro. Mais, en agissant ainsi, il ouvre la voie à une intervention étrangère au nom de l’aide humanitaire.

Retrait du personnel diplomatique américain

Le président du Venezuela Nicolas Maduro durant une  allocution à la télévision lundi 11 mars 2019. / HANDOUT / REUTERS

De son côté, le président Maduro a appelé la population à la « résistance active » contre les attaques fomentées, selon lui, « par les Etats-Unis » contre le système électrique du pays afin de préparer une intervention militaire. « Je lance un appel à tous les pouvoirs, sociaux, populaires », a lancé M. Maduro dans une allocution à la télévision nationale, citant notamment les « colectivos », qui désignent aussi bien les groupes de citoyens menant des œuvres sociales que des formations violentes, agissant en milice.

Pour M. Maduro, les attaques contre le système électrique masquent une volonté des Etats-Unis de « désespérer » la population, afin de tenter de faire entrer de force l’aide humanitaire qu’il avait repoussée et de justifier une intervention militaire américaine déguisée.

En réponse, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a assuré que Washington n’était en rien responsable de la panne d’électricité, qu’il attribue à l’incurie du régime. Il a annoncé que les Etats-Unis allaient retirer tout le personnel diplomatique encore présent dans leur ambassade à Caracas : « Cette décision reflète la dégradation de la situation au Venezuela ainsi que le constat selon lequel la présence de personnel diplomatique à l’ambassade américaine est devenue une contrainte pour la politique des Etats-Unis. » M. Pompeo a également critiqué « le rôle central de Cuba et de la Russie » pour « saper les rêves démocratiques et le bien-être des Vénézuéliens ».

Un pays à l’arrêt

Malgré le retour progressif du courant dans plusieurs quartiers de Caracas, la situation reste chaotique pour la population : se procurer de l’eau et de la nourriture à un prix abordable est devenu une gageure. Tout se négocie désormais en dollars, et ce jusque dans les moindres recoins du pays.

Des Vénezueliens marchent sur une autoroute, transportant des conteneurs d’eau recueillie dans un égout, à Caracas, le 11 mars 2019. / CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS

Le président socialiste a décrété une nouvelle journée chômée mardi pour les administrations et les écoles, faute de transports publics. Le pays qui sortait à peine des vacances de carnaval est à l’arrêt depuis vendredi matin.

Selon des associations, la panne a déjà provoqué la mort d’au moins quinze patients dans les hôpitaux – dont très peu sont équipés de générateurs en état de marche – mais, en l’absence de bilan officiel et de moyens de communication, il est impossible de savoir ce qui se passe exactement dans le pays.

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