Le Conseil constitutionnel s’est penché, mardi 12 mars, sur les tests osseux auxquels sont soumis les mineurs isolés étrangers, dans le cadre de l’évaluation de leur âge. Il s’agissait de la première audience de la haute juridiction à laquelle participaient trois nouveaux membres du Conseil constitutionnel, l’ex-maire de Bordeaux Alain Juppé et les ex-sénateurs Jacques Mézard et François Pillet.

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à laquelle était soumise le Conseil a été déposée par un jeune Guinéen, Adama S., qui avait assuré avoir 15 ans lors de son arrivée en France en 2016. Un test osseux lui avait donné entre 20 et 30 ans. La QPC est en outre soutenue par des associations telles que le Gisti, Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme, qui considèrent que ces examens sont contraires à l’impératif de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et souhaitent les faire interdire.

Les tests de maturité osseuse, réalisés à la demande d’un magistrat, sont le plus souvent pratiqués grâce à unef radiographie de la main et du poignet gauche des jeunes migrants. Ils sont critiqués depuis des années pour leur manque de fiabilité scientifique, notamment au sein de la communauté médicale et par des institutions telles que l’Académie française de médecine, le Défenseur des droits, le Haut conseil de la santé publique ou encore le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Certains pays, comme le Royaume-Uni, ont d’ailleurs proscrit le recours à de tels examens.

« Confiance aveugle »

La maturité osseuse peut en effet varier selon le sexe ou encore l’état nutritionnel. « Les tests comportent une marge d’erreur qui peut aller de deux à trois ans », a rappelé devant le Conseil constitutionnel Isabelle Zribi, avocate du requérant. Et, alors qu’ils ne permettent que de retenir que des « probabilités », ils ont valeur d’« expertise judiciaire » et influent de façon prépondérante sur la décision du juge, plus encore que l’évaluation des documents d’identité ou le récit du jeune et son évaluation sociale.

« Alors que le doute doit profiter à l’intéressé, une confiance aveugle est faite à ces tests osseux, a dénoncé à son tour Brigitte Jeannot, conseil de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. On demande à la science médicale une réponse qu’elle n’est pas en mesure d’apporter. Il n’existe pas à ce jour une méthode suffisamment fiable scientifiquement pour établir l’âge d’une personne. »

Les avocats qui soutiennent la QPC ont rappelé que le fait d’être considéré comme majeur fait basculer le jeune migrant dans un tout autre régime en matière de droit au séjour, d’hébergement, de scolarisation ou encore de protection juridique. « Des enfants risquent de se retrouver à la rue », a rappelé Me Zribi.

« Vous avez deux camps, celui de la défense des libertés fondamentales, des progressistes, et celui des conservateurs, celui du gouvernement. » Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l’homme

Le représentant du gouvernement, Philippe Blanc, a au contraire défendu l’équilibre de la loi et l’usage des tests, dans un contexte où « les moyens de preuve ne sont pas si nombreux ». Interrogé par le Conseil, il n’a pas été en mesure de dire combien d’examens osseux sont réalisés chaque année et le sens de leurs conclusions.

« Vous avez deux camps, celui de la défense des libertés fondamentales, des progressistes, et celui des conservateurs, celui du gouvernement, a voulu résumer Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l’homme, en s’adressant aux membres de l’institution. Vous devez consacrer l’intérêt supérieur de l’enfant. » La décision sera rendue le 21 mars.