Quentin Fillon Maillet a gagné une médaille de bronze en poursuite dimanche 10 mars. / JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Si, mercredi 13 mars sur le 20 km ou plus sûrement dimanche dans la « mass-start », Quentin Fillon-Maillet attrape la gloire passant par là lors des championnats du monde de biathlon à Östersund (Suède), il le devra à deux choses : un coup de mou et un coup de vis.

Le coup de mou, c’est celui que Martin Fourcade connaît cette année, et c’est comme si l’astre du biathlon français avait cessé d’aveugler le grand public : oui, il y a d’autres athlètes dans nos montagnes qui skient avec une carabine dans le dos, et plutôt bien.

A ce sujet, Fillon-Maillet disait au Monde, avant les Mondiaux : « C’est vrai qu’on a vécu dans l’ombre de sa notoriété. Cela a été un avantage et parfois une frustration. Il nous a amené de l’expérience et une médiatisation, mais souvent, quand on gagnait un relais par exemple, c’était le relais de Martin Fourcade. »

Samedi, ce sera le relais de Quentin Fillon-Maillet, meilleur biathlète français de la saison - et troisième mondial -, déjà double médaillé de bronze dans ces championnats, sur le sprint et la poursuite.

Ce qui nous amène au coup de vis, celui qu’il a fallu mettre dans la carabine du Jurassien cet été après qu’on a découvert un truc tout bête mais technique, qu’il faut vous expliquer.

Avant chaque tir, les biathlètes ajustent leur visée avec une molette de réglage. Chaque variation dans un sens ou dans l’autre est appelée une « clique ». A l’été, l’encadrement de l’équipe de France s’est rendu compte que Quentin Fillon-Maillet, M. Jourdain du biathlon, faisait des cliques sans le savoir.

Les molettes étant réglées de manière trop souple, la carabine « cliquait » au moindre frottement, lorsque Fillon-Maillet sortait le calibre de sa housse ou l’endossait en début de course. S’ensuivaient des rafales de tir trop à gauche, toujours sur le premier tir couché.

Nouveaux ressorts

C’est peu dire que les techniciens de l’équipe de France se sont trouvés soulagés - et peut-être un peu bêtes - lorsqu’ils ont réglé cette histoire de molette : « C’est hallucinant, ça durait depuis deux saisons. Le jour où ils ont changé ça, son problème sur le tir couché était terminé, s’agace Stéphane Bouthiaux, le patron du biathlon français. Neuf tirs sur dix qu’il ratait, c’était dû à ça. Quentin avait demandé à ce que l’on change les ressorts de ces molettes pour faire les cliques plus facilement et au final, c’était bien trop souple. C’est un truc de fou. »

La réussite au tir couché de Fillon-Maillet, cette saison, est passée de 79 % à 86 %. Il refuse d’incriminer Franck Badiou, l’ancien entraîneur du tir qui l’aide à fabriquer sa propre crosse, et ne retient de cette mésaventure que le positif : « Comme je ne trouvais pas la source de mes problèmes, j’ai énormément travaillé mon tir, plus que si je ne les avais pas eus. Je ne peux pas revenir sur toutes ces balles loupées, ces premiers tirs qui me mettaient immédiatement hors-jeu, je peux simplement essayer d’avancer. »

Fillon-Maillet dit arriver au départ avec moins d’appréhension - forcément - et une grande sérénité, lui qui a beaucoup réfléchi à l’aspect mental de sa discipline. Dans l’équipe de France, il tient le rôle du bourreau de travail, facile à vivre et déterminé sur la piste - on le surnomme « le morback » pour sa tendance à ne jamais rien céder à l’adversité.

Raison pour laquelle chacun avait le cœur fendu, il y a un an à Pyeongchang, de le voir traverser les Jeux olympiques comme une ombre, les jambes en Corée mais la tête en France, où sa compagne était atteinte d’une maladie grave comme il l’a révélé après les Jeux.

Cauchemar à Pyeongchang

Après les deux premières épreuves (48e du sprint, 44e de la poursuite), Stéphane Bouthiaux lui avait signifié sa non-sélection pour les relais et proposé de rentrer auprès de sa famille : « Rien n’aurait pu l’empêcher de venir, parce que c’était les JO, sauf qu’on s’est rendu compte une fois sur place que ça n’allait plus du tout. Il fallait le sortir du truc et quand je lui ai proposé de rentrer, il m’a dit tout de suite : Oui, et le plus vite possible. »

Dans l’avion, Fillon-Maillet pleure, un peu, et réfléchit, beaucoup. Refuse de décrocher pour la fin de saison et, à l’inverse, se remet en selle, au point de monter, pendant les finales de la Coupe du monde en Sibérie, sur ses premiers podiums de l’année.

De quoi se motiver pour l’intersaison, comme l’a découvert le nouvel entraîneur du tir des Bleus, l’Italien Patrick Favre, qui dit avoir rencontré peu d’athlètes comme lui. « C’est quelqu’un qui bosse beaucoup, finit les séances vraiment fatigué, sait se remettre en cause et en même temps n’a peur d’aucun adversaire. Il arrive à rester dans sa bulle au tir, même en confrontation. »

C’est d’ailleurs pourquoi il excelle dans la poursuite et la « mass-start », les disciplines dans lesquelles il a remporté ses deux premières victoires en Coupe du monde, en janvier et février. Seul Johannes Boe, intouchable, le devance au classement de ces spécialités.

« Il est dans la continuité des promesses qu’il montre depuis deux ou trois ans, estime Martin Fourcade. Ensuite, la différence, c’est qu’il a su saisir sa chance au bon moment. » Quand la place dans la lumière s’est libérée.