Parmi les 8,8 millions de personnes vivant en France sous le seuil de pauvreté, environ la moitié ont recours à l’aide alimentaire. A l’occasion de leurs 35 ans, les banques alimentaires, premier réseau au niveau national, présentent mercredi 13 mars une étude sur les profils de leurs bénéficiaires, qui sont plus de 2 millions. Cette enquête de l’institut CSA – la dernière du genre avait été menée en 2016 – s’appuie sur quelque 2 000 témoignages recueillis par les associations partenaires.

L’étude dessine les contours de la France des « gilets orange », ce vêtement porté par les bénévoles des banques alimentaires. Une France singulièrement féminine d’abord, puisque 69 % des personnes reçues sont des femmes. Les familles monoparentales, à 85 % menées par des femmes, sont surreprésentées. Elles constituent 33 % des bénéficiaires, contre 8 % de la population générale. Le cumul de plusieurs difficultés (temps partiels subis, rémunérations plus faibles…) fait d’elles, depuis plusieurs années, des figures désormais incontournables de la pauvreté.

Faibles pensions

L’une des variations observées dans l’édition 2019 porte sur la part croissante d’inactifs chez les bénéficiaires. A la différence de précédentes études qui alertaient sur le phénomène des travailleurs pauvres sollicitant une aide alimentaire, les actifs, qui étaient 23 % il y a deux ans, sont aujourd’hui estimés à 14 %, selon cette étude. Les 83 % d’inactifs qui poussent la porte des épiceries sociales et des lieux de distribution sont pour un tiers chômeurs, mais aussi étudiants, demandeurs d’asile ou retraités. Cette dernière catégorie gagne trois points par rapport à la dernière enquête, ce qui confirme la paupérisation de certains retraités, dotés de faibles pensions. Autre fait marquant, relève Jacques Bailet, président de la Fédération française des banques alimentaires, « plus de la moitié des bénéficiaires interrogés (52 %) témoignent d’un recours durable à l’aide alimentaire, d’un an et plus, ce qui n’est pas bon signe ». Et « ce recours n’a rien d’un confort, puisque 53 % des répondants jugent cette aide indispensable », détaille-t-il.

Pour ces « précaires alimentaires », bien souvent suivis par des travailleurs sociaux, les économies mensuelles réalisées grâce à ce système s’élèvent à 96 euros, ce qui n’est pas négligeable considérant leurs ressources mensuelles, estimées à 821 euros et constituées principalement des minima sociaux et des allocations familiales. L’alimentation apparaît quand on les interroge dans les premiers postes de dépenses, juste après celles liées au logement, qui caracolent en tête.

En 2018, 113 000 tonnes de denrées alimentaires ont été distribuées par le réseau des banques alimentaires. Un peu moins de la moitié (46 000 tonnes) provient de la grande distribution. Mieux connaître les destinataires de cette aide a notamment pour objectif d’améliorer leur accompagnement alimentaire et social. D’autant que la demande est forte ; 71 % des répondants à l’enquête jugent que leur besoin d’être aidé est « important », et 39 % « très important ». Mais malgré leurs difficultés, la plupart expriment une vision optimiste de l’avenir : 65 % d’entre eux ont bon espoir que leur situation personnelle évolue positivement. En 2010, deux ans après le début de la crise financière, ils n’étaient que 56 %.