La fabrication du Camembert de Normandie AOP répond à des critères stricts. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Vent debout contre la future AOP Camembert de Normandie, le député du Loiret Richard Ramos et la présidente de l’association Fromages de terroir, Véronique Richez-Lerouge, se mobilisent à l’Assemblée nationale, mercredi 13 mars. Ils organisent auprès des députés une distribution de camembert au lait cru afin de dénoncer l’application de l’appellation au bénéfice des camemberts pasteurisés.

  • Quelle était la situation du camembert avant cet accord ?

Jusqu’à février coexistaient deux types de camemberts : le Camembert de Normandie AOP d’une part, le Camembert fabriqué en Normandie d’autre part. Des labels sémantiquement très proches qui contenaient toutefois d’importantes différences.

Le Camembert de Normandie AOP était soumis à un strict cahier des charges, avec du lait cru – donc non pasteurisé – à 50 % de vaches normandes sur une aire géographique déterminée (Calvados, Manche, Orne et une frange de l’Eure). Ce qui représentait une production annuelle d’environ 5 000 tonnes.

Le Camembert fabriqué en Normandie, industriel, n’obéissait a contrario à aucune contrainte de production, ni sur la race des vaches à lait, ni sur leur alimentation, ni sur leur pasteurisation, un point important de la fabrication du fromage. Sa production oscillait autour de 60 000 tonnes par an.

Des classifications qui appartiendront bientôt au passé suivant les termes de l’accord passé en février 2018 entre l’Institut national des appellations d’origine protégées (INAO) et les acteurs de la filière.

  • Que prévoit cet accord dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2021 ?

Désormais, ces deux types de camemberts seront réunis sous une AOP unique, Camembert de Normandie. Artisanaux ou industriels, les fromages devront respecter un cahier des charges unique, comprenant de nouvelles conditions, dont la nécessité de contenir au moins 30 % de vaches normandes dans les cheptels, avec l’obligation pour elles de pâturer en extérieur en Normandie pendant au moins six mois.

L’accord prévoit, par ailleurs, que le camembert puisse être élaboré au lait pasteurisé. Ce qui permettrait de passer de 50 millions de litres de lait normand, utilisés jusqu’à présent pour le camembert AOP à 900 millions à terme. L’objectif étant de permettre aux producteurs de mieux valoriser leur production.

  • Pourquoi certains producteurs s’y opposent-ils ?

Ils dénoncent l’écriture d’un cahier des charges au rabais qui entraînera automatiquement une baisse de la qualité du camembert. Dans un secteur où 95 % de la production est détenue par de grands groupes, part belle serait ainsi faite aux 60 000 tonnes de camemberts industriels pasteurisés produits chaque année. Les camemberts traditionnels, fabriqués au lait cru et moulés à la louche, seraient ainsi noyés dans une masse indistincte d’offres. Pour éteindre ces critiques, l’accord prévoit la création d’une mention « valorisante », du type « véritable » ou « authentique » pour les camemberts de fabrication artisanale.

Un agrément qui ne convainc pas les détracteurs de cette nouvelle appellation. A l’avenir, prédisent-ils, il faudra déchiffrer les étiquettes pour distinguer dans l’AOP l’authentique de l’épigone. En somme, la production artisanale de camemberts serait sacrifiée sur l’autel de la grande distribution.