Un membre des forces armées congolaises, témoin des massacres dans la région de Yumbi, pose dans un lieu non dévoilé le 3 février 2019. / ALEXIS HUGUET / AFP

Le massacre de centaines de personnes dans des violences communautaires qui ont embrasé mi-décembre des villages de l’ouest de la République démocratique du Congo (RDC) pourrait « constituer des crimes contre l’humanité », a estimé l’ONU, mardi 12 mars, dénonçant une violence « facilitée par l’absence de l’Etat » et des tueries « planifiées ».

« Les actes de violence commis au cours des quatre attaques documentées dans ce rapport pourraient constituer des crimes contre l’humanité si certains éléments constitutifs sont établis », écrit le bureau conjoint de l’ONU pour les droits humains dans un document publié mardi.

Une mission des Nations unies a enquêté du 17 au 26 janvier dans la région de Yumbi, où des tueries de civils ont eu lieu les 16 et 17 décembre 2018. Ces violences ont opposé deux communautés, les Batende et les Banunu. Des membres de la communauté batende ont massacré des personnes appartenant à celle des Banunu, en représailles, après l’enterrement d’un chef coutumier banunu dans un terrain contesté par les Batende.

Actes de barbarie

« Les attaques contre des populations banunu dans les localités de Yumbi, Bongende et Nkolo II ont fait au moins 535 morts et 111 blessés, soulignent les enquêteurs de l’ONU. De plus, au moins 967 bâtiments, principalement des habitations, mais aussi quatorze églises, dix-sept écoles et cinq centres de santé ont été pillés et/ou détruits. »

Les tueries ont été marquées par des actes de barbarie : « Des mutilations d’organes génitaux des hommes, des femmes et des enfants ont été systématiques lors de l’attaque de Bongende et ont été commises à grande échelle à Yumbi, détaille l’ONU. L’équipe a aussi documenté le cas de deux femmes violées par insertion de flèches dans les parties génitales […] Plusieurs enfants en bas âge auraient été noyés dans la rivière. Dans au moins un cas, un bébé de 4 ou 5 mois aurait été violemment frappé contre une pirogue. En outre, une fille de 2 ans aurait été jetée dans une fosse septique. »

« La nature systématique des mutilations sexuelles commises à l’encontre des hommes, femmes et enfants de la communauté banunu, bien qu’opérées post mortem dans la plupart des cas, pourrait être constitutive de crimes contre l’humanité par violence sexuelle », ajoutent les enquêteurs onusiens. « Les meurtres, mutilations et destructions d’habitations », commis de manière délibérée et systématique à l’encontre de membres de la communauté banunu, « peuvent également être des éléments constituant un crime contre l’humanité ».

19 000 déplacés

« Les éléments documentés au cours de l’enquête permettent d’établir que les attaques ont été perpétrées de manière planifiée et organisée », ajoute l’ONU, ce que l’AFP avait constaté mi-février lors d’un reportage à Yumbi. « Le mode opératoire des attaques contre les localités de Yumbi, Nkolo II et Bongende était similaire : plusieurs centaines, voire des milliers de personnes, ont envahi les localités, équipées d’armes à feu de type calibre 12, d’armes blanches (notamment des machettes, des arcs, des lances) et d’essence », détaille l’ONU.

« L’enquête n’a pu établir l’existence d’un groupe armé, ni confirmer les allégations de l’existence d’une force de réserve batende et l’implication d’autorités. Il semble que les agents de la PNC (police) ayant participé aux attaques auraient agi en vertu de leur appartenance communautaire », lit-on dans le rapport. L’enquête n’a pas permis d’établir « une responsabilité étatique » : « Néanmoins, la responsabilité de l’Etat peut être engagée dans la mesure où l’enquête a permis d’établir que les autorités nationales et provinciales avaient été informées du risque élevé de violences mais n’ont pris aucune mesure préventive », accusent les Nations unies.

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Les Banunu sont-ils les seules victimes ? « Certaines sources ont mentionné la mort d’environ 100 membres de la communauté batende à Yumbi, mais l’équipe n’a pas collecté d’éléments attestant cette information », selon l’ONU, qui n’a pas été en mesure de confirmer le nombre de personnes toujours portées disparues à la suite de ces violences. Les enquêteurs estiment à 19 000 le nombre de personnes déplacées en raison de ce conflit intercommunautaire, dont 16 000 ayant traversé le fleuve Congo pour se rendre au Congo-Brazzaville.