Bercy lance un contrôle fiscal new look pour les entreprises. Jeudi 14 mars, lors d’un événement organisé au ministère de l’action et des comptes publics, à Paris, douze entreprises – Engie, Total, Nestlé, Air France, notamment – ont signé un protocole avec le fisc. D’autres devaient s’engager « dans les prochains jours », a assuré Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.

Le principe est posé par la loi « pour un Etat au service d’une société de confiance » (Essoc, plus connue sous le vocable « droit à l’erreur »), adoptée en août 2018. Le texte contient de nombreuses mesures destinées à modifier les rapports entre l’administration et les citoyens, en pariant sur la bonne foi et la bienveillance. Il s’agit, en substance, de passer du contrôle au conseil, même si le premier ne disparaît pas totalement. C’est la partie qui concerne les entreprises qui entre formellement en application, jeudi 14 mars. Tous les textes réglementaires ont été adoptés avant la fin 2018, se félicite-t-on à Bercy, sous la pression constante de M. Darmanin. Une consultation a également été conduite à l’automne dernier.

La mesure la plus emblématique est l’évolution du contrôle fiscal. Aux termes du « partenariat fiscal » (appelé « accompagnement fiscal personnalisé » pour les PME) que les entreprises pourront signer avec le fisc s’engagera « une nouvelle relation de confiance », vante le ministère. « C’est une véritable révolution culturelle que nous engageons », a assuré le ministre, jeudi matin.

Mobiliser moins d’agents

Le système actuel est fondé sur le principe classique : l’entreprise déclare, l’administration contrôle. Dorénavant, l’entreprise, en acceptant de divulguer un certain nombre d’éléments au fisc, pourra dialoguer régulièrement avec un interlocuteur dédié et lui soumettre au fil de l’eau des « questions fiscales complexes ». Le gain, pour elle, est de sécuriser juridiquement sa situation sans attendre. « Les grandes entreprises et les ETI [entreprise de taille intermédiaire] sont très souvent contrôlées », a plaidé Gérald Darmanin, mais cela se fait toujours « sur le passé, avec deux à trois ans de décalage ». Pourquoi ne pas en parler avant ?, interroge-t-il, « au moment où les choses ne sont pas encore cristallisées, où toutes les décisions ne sont pas encore prises ? »

« Pour l’administration, le juste impôt est recouvré tout de suite et spontanément, sans contentieux, indique Gérald Darmanin. Pour l’entreprise, le risque de redressement a posteriori, parfois sur trois ans ou plus, avec intérêt de retard et parfois pénalités, est écarté, les risques fiscaux en France sont désamorcés et n’ont pas besoin d’être provisionnés dans les comptes. »

L’administration espère pouvoir mobiliser moins d’agents sur le contrôle fiscal stricto sensu. Aujourd’hui, dans un cas sur quatre, la procédure lancée ne débouche sur rien, ou très peu. « Un immense gâchis de ressources », a pointé le ministre. Mais le contrôle ne disparaît pas : il est maintenu pour les entreprises qui n’adopteront pas ce dispositif ou pour les questions non couvertes par le partenariat fiscal pour celles qui s’y sont engagées. En tout cas, le ministre se défend : « Certains diront qu’on déshabille le contrôle, qu’on renonce à la lutte contre la fraude. Rien n’est plus faux ! », a-t-il affirmé.

Améliorer le dialogue

D’autres outils ont été présentés jeudi. La démarche spontanée de mise en conformité permettra, sur le même principe, de régulariser une situation fiscale dont l’entreprise estime qu’elle est douteuse. Cela concerne des questions simples, usuelles, « les cadavres dans le placard », comme on dit à Bercy, les bizarreries héritées du passé et qu’un repreneur découvre inopinément. Le fisc promet également d’améliorer le dialogue, notamment dans l’idée de régler un problème qui se pose pour un secteur donné.

Pour les entreprises qui ne souhaitent pas aller jusqu’au partenariat, il est également prévu de faciliter le recours aux « rescrits » : chaque contribuable peut interroger le fisc sur un point précis. La réponse apportée par l’administration, appelée rescrit, est dès lors opposable à celle-ci. Chaque année, 18 000 rescrits sont publiés, mais, alors que la loi prévoit un délai maximal de réponse en trois mois, cela peut atteindre huit mois à deux ans. Bercy promet d’accélérer la cadence. Enfin, Bercy une équipe sera mise en place pour aider les entreprises qui rencontrent des difficultés fiscales à l’étranger.