La défense des équilibres constitutionnels a poussé un nombre suffisant d’élus républicains à rejoindre leurs collègues démocrates, jeudi 14 mars, au Sénat des Etats-Unis. Douze sénateurs conservateurs ont en effet approuvé une motion (par 59 voix contre 41) visant à annuler la déclaration d’urgence nationale de Donald Trump, qui doit lui permettre de contourner le Congrès pour financer son projet de « mur » à la frontière avec le Mexique.

En retirant au Congrès « le pouvoir de la bourse », qui figure à l’article 1 de la Constitution américaine, par sa décision de réaffecter les fonds déjà votés pour d’autres usages par les deux Chambres, Donald Trump s’exposait à des accusations d’abus de pouvoir. Des accusations délicates pour le Parti républicain, qui s’était opposé méthodiquement par le passé, non sans succès, aux décrets pris par le prédécesseur démocrate du milliardaire, Barack Obama, dans le domaine de l’immigration ou de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

« Monarque »

A l’époque, le sénateur républicain du Texas, Ted Cruz, qui ne jure que par la défense de la Constitution, avait publié sur le site Politico une tribune dénonçant un comportement de « monarque ». Le sénateur y avait insisté sur le nécessaire « compromis » entre les pouvoirs, exigé par la Loi fondamentale des Etats-Unis. Comme d’autres, il a voté à l’opposé de ses convictions jeudi. Le lobbying intensif de la Maison Blanche n’a d’ailleurs pas été sans résultats. Sans doute par peur qu’un adversaire républicain lui soit opposé lors des primaires de 2020, le sénateur de Caroline du Nord, Thom Tillis, soumis à réélection l’année prochaine, a voté contre la motion après avoir promis le contraire dans une tribune publiée par le Washington Post en février.

La portée du vote de jeudi, qui intervient après un vote similaire de la Chambre des représentants également marqué par des défections républicaines, devrait pourtant être limitée. Comme il l’a promis encore jeudi matin, Donald Trump opposera son veto à la motion du Congrès. Il a d’ailleurs réagi au vote en publiant le terme en lettres capitales sur son compte Twitter.

Dernier mot à la Cour suprême

Faute de majorité des deux tiers dans chacune des deux chambres, ce veto ne sera pas retourné. La guérilla sur les limites des pouvoirs du président se déplacera alors sur le terrain judiciaire. De nombreux Etats dirigés par les démocrates ont déjà lancé des procédures contre la déclaration d’urgence nationale dont ils contestent la réalité. Le différend pourrait être tranché au final par la Cour suprême des Etats-Unis, sans que le président ne puisse probablement avancer dans son projet de « mur » avant sa campagne de réélection, en 2020.

Le vote de jeudi constitue néanmoins un revers supplémentaire pour Donald Trump qui a pourtant imposé sa marque sur son parti en imposant de nombreux revirements, notamment sur le libre-échange ou le souci des équilibres budgétaires. La veille, le Sénat avait déjà témoigné de sa défiance vis-à-vis de sa politique étrangère en approuvant une résolution l’exhortant à arrêter tout soutien américain à la coalition saoudienne dans la guerre au Yémen, sauf en cas d’autorisation formelle du Congrès.

Sept républicains ont voté avec la minorité démocrate pour faire passer ce texte (par 54 voix contre 46). La résolution doit désormais être approuvée par la Chambre, contrôlée par les démocrates et dont le soutien ne fait pas l’ombre d’un doute. Au terme de ce processus, Donald Trump sera alors contraint pour la seconde fois d’user de son droit de veto.