La cour d’appel de Versailles a demandé à Engie de faire cesser « tout acte de parasitisme ou de dénigrement » envers EDF. / Charles Platiau / REUTERS

C’est un jugement qui fait sauter de joie dans les couloirs du siège d’EDF, avenue de Wagram, à Paris. Jeudi 14 mars, la cour d’appel de Versailles a condamné Engie (ex-GDF Suez) à 1 million d’euros de dommages et intérêts, en raison de ses pratiques de démarchage.

Depuis plusieurs années, le groupe EDF accuse son plus gros concurrent dans la fourniture d’électricité aux particuliers d’usurper son nom. Un dirigeant de l’entreprise s’insurgeait :

« Les démarcheurs, sous-traitants d’Engie, font signer des papiers à des personnes âgées en leur expliquant qu’EDF n’existe plus ou qu’Engie est le nouveau nom d’EDF. »

A la fin de 2017, Engie avait été condamné à 150 000 euros d’amende, mais le groupe avait fait appel. La cour d’appel de Versailles s’est montrée plus sévère, estimant qu’« Engie a engagé sa responsabilité du fait de négligences fautives en omettant de prendre les moyens d’un suivi et d’une surveillance efficace de sa campagne de démarchage ». Elle demande aussi à Engie de faire cesser « tout acte de parasitisme ou de dénigrement », sous peine d’une astreinte provisoire de 10 000 euros par infraction.

Guerre commerciale

Engie, sollicitée par Le Monde, estime que « les fautes isolées dénoncées par EDF étaient l’œuvre des vendeurs des prestataires indépendants commercialisant des offres d’électricité Engie » et souligne que les juges de la cour d’appel n’ont alloué à EDF qu’« une indemnité de 1 million d’euros, soit un montant équivalent à 1 % de la demande initiale d’EDF (qui s’élevait à 94 millions d’euros) ». Le groupe examine la possibilité de se pourvoir en cassation et dénonce « l’absence totale de bien-fondé des griefs formés à son encontre par EDF ».

De son côté, EDF souligne dans un communiqué avoir « justifié de manière certaine plus de 8 000 réclamations de ses clients relevant toutes de pratiques de concurrence déloyale et de parasitisme » et estime que « cette décision révèle à nouveau le caractère inacceptable de ces pratiques ».

Cet affrontement judiciaire est un nouvel épisode de la guerre commerciale que se livrent EDF et l’ex-GDF, plus de dix ans après la libéralisation du marché. EDF est de très loin le premier fournisseur d’électricité en France, avec plus de 25 millions de contrats, mais Engie est le deuxième, avec 3,6 millions de clients, et connaît une croissance forte. A l’inverse, EDF perd environ 100 000 clients par mois au profit de ses concurrents.

Le médiateur de l’énergie, Jean Gaubert, et les associations de consommateurs ont dénoncé à plusieurs reprises le démarchage à domicile, visant en particulier les pratiques d’Engie. « Dans un contexte de concurrence accrue, les opérateurs ont redoublé d’imagination afin d’agrandir leur portefeuille de clients, certains recourant à des pratiques commerciales trompeuses ou déloyales », soulignait ainsi le médiateur dans son dernier rapport annuel.