L’intellectuel musulman est mis en examen depuis le 2 février 2018 pour deux viols, dont un sur personne vulnérable. / AFP/JEAN SEBASTIEN EVRARD

La cour d’appel de Paris a rejeté jeudi 14 mars la demande de levée des deux mises en examen pour viol réclamée par l’islamologue suisse Tariq Ramadan, remis en liberté à la mi-novembre.

La chambre de l’instruction a confirmé la décision des juges qui avaient considéré l’été dernier cette requête « prématurée ». L’intellectuel musulman est mis en examen depuis le 2 février 2018 pour deux viols, dont un sur personne vulnérable : le 9 octobre 2009 à Lyon sur une femme surnommée Christelle dans les médias et, au printemps 2012, à Paris, sur une ancienne salafiste devenue militante laïque, Henda Ayari.

Jusqu’à une volte-face retentissante en octobre, après neuf mois de détention provisoire, Tariq Ramadan, 56 ans, avait persisté à nier tout rapport sexuel avec ces deux plaignantes. Contraint par l’enquête à changer de version, il plaide désormais des relations de domination « consenties ».

Recours « prématuré »

Les mis en examen sont toutefois peu nombreux à utiliser cette forme de recours, rarement couronnée de succès tant que les investigations se poursuivent. Tariq Ramadan avait demandé dès l’été dernier aux juges d’instruction de le placer sous le statut intermédiaire de témoin assisté, première étape vers le non-lieu qu’il réclame.

Recours « prématuré », lui avaient répondu les trois magistrats. A l’époque, l’intellectuel niait encore tout rapport physique avec les plaignantes. Il avait seulement fini par admettre des relations extraconjugales avec d’anciennes maîtresses et une troisième plaignante – pour cette dernière relation, il n’est pas mis en examen.

A la mi-janvier, la chambre de l’instruction a donc examiné à huis clos l’appel formé par Tariq Ramadan contre cette décision.

Mais, entre-temps, la donne a changé. Tariq Ramadan a reconnu en octobre une relation sexuelle avec chacune des deux plaignantes. « Même dans les moments de fougue et de domination, un non, c’était un non », s’était-il toutefois défendu en présentant sa nouvelle version.

La position de l’islamologue était devenue intenable depuis la révélation en septembre de centaines de SMS sans ambiguïté exhumés d’un vieux téléphone de Christelle.

Pour l’avocat de Christelle, Me Eric Morain, interrogé par l’AFP juste avant la décision de la cour d’appel, cette requête était « destinée plus à rassurer les derniers soutiens de Tariq Ramadan qu’à convaincre les juges » qui poursuivent l’enquête.

« Emprise »

Le bras de fer entre les parties tourne désormais autour de l’abondante correspondance sexuelle de M. Ramadan avec les deux femmes, qui a fragilisé leur témoignage tout en documentant, selon les parties civiles, « l’emprise » du prédicateur.

De manière constante depuis leur plainte, en octobre 2017, Henda Ayari et Christelle ont décrit chacune un premier rendez-vous qui a basculé dans des rapports sexuels brutaux et contraints. Toutes deux ont aussi invoqué l’emprise exercée par l’islamologue via des mensonges, des manipulations et des menaces, corroborées par des témoignages d’autres femmes.

En avril 2018, une quatrième femme a déposé une plainte en Suisse, entraînant l’ouverture d’une instruction à Genève, dans laquelle M. Ramadan n’a pas encore été entendu.

Celui qui fut longtemps considéré comme une figure aussi influente que controversée de l’islam européen est aujourd’hui libre en France, sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire. Le prédicateur, qui souffre d’une sclérose en plaques, a dû verser une caution préalable de 300 000 euros et remettre son passeport suisse.