Illustration de Léon Benett pour « Robur le Conquérant », de Jules Verne (1886). / FRANK PELLOIS / MUSÉE JULES-VERNE DE NANTES

En 1863, l’éditeur Pierre-Jules Hetzel lança avec Cinq Semaines en ballon le premier des « Voyages extraordinaires » de Jules Verne. « Une odyssée littéraire qui continue de fasciner les lecteurs du monde entier » selon Jean Verne, l’arrière-petit-fils de l’écrivain (1828-1905). On connaît et on reconnaît les volumes de cette prestigieuse édition, devenus de véritables pièces de collection, avec leurs frontispices décorés d’or et de rouge, leurs belles reliures, leurs riches illustrations – plus de 4 000 au total. Aujourd’hui, Le Monde lance une collection intégrale des romans de Jules Verne, fidèle aux premières éditions Hetzel, avec une reproduction à l’identique des illustrations originales, des frontispices, des pages de garde, des cartonnages de couverture. Les premiers volumes sont autant de titres enchanteurs : Voyage au centre de la Terre, Vingt Mille Lieues sous les mers, Le Tour du monde en quatre-vingts jours, De la Terre à la Lune, Cinq Semaines en ballon

A l’écoute des progrès de son temps

On peut se demander ce qui fait l’originalité et le succès intemporel de Jules Verne. D’abord, il est à l’écoute des progrès de son temps. Comme le dit le romancier américain Arthur C. Clarke, « il fut le premier à accueillir ces progrès à bras ouverts et à proclamer que la recherche scientifique pouvait être la plus passionnante des aventures ». Ensuite, il a anticipé maintes découvertes scientifiques : le voyage spatial et interplanétaire, les satellites artificiels, l’exploration des profondeurs marines et terrestres, la conquête du pôle Nord, la quête des sources du Nil, et bien d’autres. Il annonce également la rapidité moderne des voyages : le tour du monde en quatre-vingts jours, montre en main, et voilà qu’un nouvel espace-temps s’offre au jeune (et moins jeune) lecteur. « Je m’aperçois qu’il n’est pas inutile de voyager, si l’on veut voir du nouveau », déclare Passepartout, le fidèle domestique de l’excentrique Phileas Fogg. La revue Magasin d’éducation et de récréation, fondée par Hetzel, suppose que l’on puisse à la fois s’instruire et se divertir à la lecture de ses romans.

Verne s’intéresse au monde dans toute sa diversité : géographie, botanique, langues, peuples, espèces animales. N’aurait-il pas inventé une forme de littérature écologique ?

Il y a aussi un exotisme vernien, au sens où l’entendait Victor Segalen : une « esthétique du divers », qui passe par la richesse du vocabulaire. « D’immenses forêts de lataniers, d’arecs, de bambousiers, de muscadiers, de tecks, de gigantesques mimosées, de fougères arborescentes » peut-on lire au chapitre XVI du Tour du monde en quatre-vingts jours. Verne s’intéresse au monde dans toute sa diversité : géographie, botanique, langues, peuples, espèces animales. N’aurait-il pas inventé une forme de littérature écologique ? Pour le passionné de théâtre qu’était Verne – Le Tour du monde fut porté avec succès à la scène du Théâtre de la Porte-Saint-Martin en 1874 –, il s’agit bien de mettre en scène ce « spectacle varié » qu’offre notre planète, pour qui sait la voir, l’apprécier et la respecter.

Qu’on ne s’y trompe pas. L’exploration aventureuse des océans, de l’espace ou des profondeurs de la Terre n’a d’autre but que de sonder les mystères de l’âme humaine. L’intérêt pour la science ne saurait masquer la profonde humanité de Verne, qui introduit des personnages touchants, parfois excentriques ou comiques. Dans un entretien, Jean Verne avance l’idée que son ancêtre, dans son ouverture au monde, projette sur l’homme un regard « universaliste » qui transcende les frontières géographiques et de races, et, de ce fait, affiche son optimisme foncier pour l’avenir de l’humanité.

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