Le stade du 5-Juillet lors de la rencontre entre le MCA et l’USMA, à Alger, le 14 mars 2019. / RYAD KRAMDI / AFP

Le derby algérois de football a été largement boycotté, jeudi 14 mars, en réponse à un appel aux supporteurs à ne pas assister à la rencontre en raison de craintes de violences qui pourraient mettre au pas la contestation contre le pouvoir en Algérie.

Le stade du 5-Juillet (80 000 places) est resté largement vide tout au long de cette rencontre de championnat entre les deux clubs rivaux de la capitale, selon un photographe de l’AFP. Du jamais-vu pour un match qui draine habituellement les foules. La police anti-émeute a été en revanche déployée en nombre.

« Comment jouer un derby quand le pays traverse une crise ? », est-il écrit sur un tract placardé dans Alger et relayé sur les réseaux sociaux. Non signé, le tract porte le logo du Mouloudia club d’Alger (MCA), qui a affronté l’Union sportive de la médina d’Alger (USMA). Le MCA l’a emporté 3-2. Aucun incident n’a été signalé. « Boycottons les gradins dans l’intérêt du pays et celui du club. Nous demandons à tous les supporteurs de suivre une seule voie et de ne laisser aucune idée nous séparer », poursuit le tract.

Le traditionnel derby algérois entre les deux clubs du quartier populaire de Bab El Oued avait été avancé à jeudi pour éviter de coïncider avec les manifestations populaires massives qui se déroulent chaque vendredi depuis le 22 février pour demander le départ du président Abdelaziz Bouteflika.

« Manipulation »

« Il y a eu des rumeurs comme quoi des casseurs allaient venir », a expliqué l’un des auteurs du tract, un ultra du MCA qui a requis l’anonymat : « Nous avons écrit le communiqué et l’avons affiché partout. Certains ont contacté les supporteurs de l’USMA pour les aviser. On se parle entre supporteurs. On se fait la guerre durant les quatre-vingt-dix minutes du match, mais quand il s’agit du reste, du pays, on est d’accord. »

La majorité des spectateurs était des supporteurs de l’USMA, qui ont entonné les chants, souvent élaborés dans les stades, qui animent l’actuelle contestation.

Selon Habib Brahmia, l’un des administrateurs d’une page Facebook réunissant près de 900 000 fans du MCA et qui a relayé l’appel, « il y a eu des rumeurs selon lesquelles des casseurs allaient provoquer des heurts qui pourraient justifier [l’instauration de] l’état d’urgence » pour empêcher les manifestations de vendredi.

« Le communiqué a été écrit par les ultras du Mouloudia et quelques “sages” », a ajouté Djamel Hamrani, un autre administrateur de la page, contacté par l’AFP : « A la veille d’une manifestation importante et face aux rumeurs de la venue de casseurs pour un derby qui draine des milliers de supporters, ils ont préféré boycotter les gradins. On a trouvé que c’était une bonne décision. »

Amine Tirmane, un des responsables de l’USMA, a indiqué que « le groupe le plus important des supporteurs a annulé [mercredi] la confection du tifo ». Il a dénoncé une « manipulation », à l’occasion d’un « match important » où l’USMA « a besoin de ses supporteurs ».

Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie

Depuis le 22 février, le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, avant l’élection présidentielle prévue le 18 avril.

Retrouvez ci-dessous les contenus de référence publiés par Le Monde pour comprendre la crise qui traverse le pays :

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