Bientôt dix ans après le crash du Rio-Paris, les juges d’instruction ont terminé leurs investigations, et les familles des 228 victimes espèrent qu’elles conduiront au procès d’Air France et d’Airbus, mis en examen dans cette enquête pour « homicides involontaires ».

La fin des investigations a été annoncée aux parties le 18 février par les juges d’instruction du pôle accidents collectifs du tribunal de Paris. Cette étape ouvre un délai de trois mois durant lequel les parties peuvent faire des observations ou demander de nouveaux actes d’enquête. Il appartiendra ensuite au parquet de Paris de prendre ses réquisitions, avant que les juges d’instruction n’ordonnent un renvoi en correctionnelle ou un non-lieu.

Le 1er juin 2009, le vol AF447 s’était abîmé dans l’océan Atlantique. Les 228 passagers et membres d’équipages, de 34 nationalités, avaient péri dans l’accident, le plus meurtrier de l’histoire de la compagnie française.

Bataille d’experts

Point de départ de la catastrophe : le givrage en vol de sondes Pitot, qui a conduit à un dérèglement des mesures de vitesse de l’Airbus A330 et désorienté les pilotes jusqu’au décrochage de l’appareil. Mais l’établissement des responsabilités dans cet enchaînement fatal fait l’objet d’une bataille d’experts, non dénuée de pressions économiques, selon les parties civiles.

La première expertise en 2012 avait pointé à la fois des défaillances de l’équipage, des problèmes techniques et un déficit d’information des pilotes en cas de givrage des sondes, malgré une recrudescence d’incidents antérieurs signalés à Airbus. Le constructeur avait sollicité une contre-expertise, qui mettait surtout l’accent sur une « réaction inappropriée de l’équipage » et sur les manquements d’Air France.

La jugeant trop favorable à Airbus, des proches des victimes et la compagnie l’avaient attaquée et avaient obtenu fin 2015 son annulation par la cour d’appel de Paris, relançant l’enquête. Mais la nouvelle contre-expertise, remise en décembre 2017, a réaffirmé que la « cause directe » de l’accident « résulte des actions inadaptées en pilotage manuel » de l’équipage.

« Nous avons au dossier un premier rapport, qui met clairement en cause Air France et Airbus, et une contre-expertise qui tape de manière éhontée sur les pilotes », a déclaré Me Sébastien Busy, avocat partie civile, auprès de l’Agence France-Presse (AFP). « Un tel écart justifie un débat devant un tribunal, a-t-il estimé. Il faut imaginer le caractère abscons d’un procès d’Air France seul où nous passerions notre temps à parler d’Airbus. »

Entraide et solidarité AF447, principale association de proches des victimes, a réagi dans un communiqué en citant l’exemple du crash d’Ethiopian Airlines dimanche. L’association note qu’il s’agit là aussi d’un problème « de sondes liées à des automatismes informatiques défaillants. L’avion échappe au contrôle humain, les pilotes en dernier recours doivent gérer l’ingérable. » Mais « l’association déplore la différence fondamentale de traitement d’une telle catastrophe entre Boeing », qui admet des dysfonctionnements, « et Airbus », poursuit le communiqué.