Mark Karpelès, PDG de la société MtGox, lors d’une conférence de presse au ministère de la justice à Tokyo, le 11 juillet 2017. / Shizuo Kambayashi / AP

Mark Karpelès, jeune loup français de l’Internet, accusé de malversations, a été condamné par le tribunal de Tokyo, vendredi 15 mars, à deux ans et demi de prison avec sursis, au terme d’un jugement qui l’innocente sur plusieurs points. Cette peine est bien en deçà des réquisitions : le procureur avait réclamé dix ans ferme contre celui qui dirigeait, jusqu’à sa faillite début 2014, la société MtGox, devenue la principale place mondiale des transactions en bitcoins.

Arrivé au tribunal en costume sombre, ce génie de l’informatique de 33 ans, qui avait clamé son innocence tout au long du procès, a accueilli, impassible, ce verdict. Dans son argumentaire, le tribunal a ensuite distingué les chefs d’accusation et n’a finalement retenu que celui de falsification de données informatiques par la création de fausse monnaie virtuelle, avec « volonté manifeste de dissimulation ».

Cet acte, « compte tenu de la somme considérable en jeu, a grandement porté atteinte à la confiance des utilisateurs », ont estimé les juges. Mark Karpelès « a abusé de son expertise en tant qu’ingénieur informatique ainsi que de sa position et autorité », ont-ils détaillé. Mais ils ont expliqué que, puisque le prévenu avait auparavant un casier judiciaire vierge au Japon, ils lui accordaient un sursis de quatre ans.

Pas de détournement de fonds

En revanche, le tribunal a rejeté le chef de détournement de fonds par M. Karpelès à son profit personnel ou pour des activités sans liens avec les statuts de l’entreprise. Il était accusé par le parquet d’avoir effectué de multiples virements depuis le compte de sa société vers son compte bancaire pour des dépenses personnelles (loyer et lit à des prix exorbitants), en les faisant passer pour des prêts à court terme sans contrat, ni intérêts ni échéance.

Mais le tribunal a estimé qu’il réglait avec cet argent de nombreux frais de fonctionnement de l’entreprise et n’abusait pas indûment des deniers de cette dernière. Selon les juges, on peut estimer qu’il la remboursera un jour et la pratique est, somme toute, commune dans les petites sociétés dont le patron est le propriétaire.

Il lui était aussi reproché d’avoir acheté un logiciel de création graphique sans rapport avec les activités de MtGox ou de son autre société, Tibanne. Sur ce point, la cour a également donné raison à Mark Karpelès en estimant que le prévenu avait pris une décision qui pouvait être vue comme rationnelle, et qu’il était commun que des sociétés investissent dans des domaines nouveaux.

Cette série d’accusations avait émergé en marge d’une enquête sur la disparition soudaine de centaines de milliers de bitcoins, révélée début 2014. Selon son patron arrêté un peu plus d’un an plus tard, en août 2015, MtGox avait été victime d’une attaque informatique, ce que des investigations distinctes à l’étranger tendent à confirmer.

Doutes sur le bitcoin

A l’époque, le cas Karpelès avait bien moins attiré la lumière que l’affaire Carlos Ghosn, les similitudes sont pourtant nombreuses. Mark Karpelès avait été placé en garde à vue durant plusieurs périodes successives d’une vingtaine de jours, inculpé pour abus de confiance puis placé en détention provisoire et libéré sous caution un peu moins d’un an plus tard, avec interdiction de quitter le territoire japonais.

Après sa libération, il avait retrouvé un travail et recommencé à intervenir sur les réseaux sociaux, y exprimant notamment des doutes sur le bitcoin, première et principale cryptomonnaie décentralisée. Née après la crise financière de 2008, cette devise virtuelle promeut un idéal libertaire et ambitionne de renverser les institutions monétaires et financières traditionnelles.

Le bitcoin, qui ne valait quasi rien au départ, a atteint près de 20 000 dollars fin 2017, avant de retomber lourdement. Il s’échange aujourd’hui autour de 3 900 dollars.