Arsenal a éliminé (2-0) le Stade rennais, jeudi 14 mars, en huitièmes de finale retour de Ligue Europa. / TONY O'BRIEN / Action Images via Reuters

Le football français ne sera donc pas parvenu à hisser, cette saison, l’un de ses représentants en quarts de finale de Coupes d’Europe. Après l’élimination impensable du Paris-Saint-Germain (défaite 3-1 après une victoire 2-0 à l’aller) par Manchester United, et celle, plus prévisible, de Lyon (débandade 5-1) sur la pelouse du FC Barcelone, en huitièmes de Ligue des champions, l’hécatombe s’est poursuivie, jeudi 14 mars, en Ligue Europa, avec la déroute (3-0) du Stade rennais dans l’antre d’Arsenal.

L’euphorie suscitée par la victoire (3-1) acquise à l’aller par les Bretons contre des Gunners – réduits à dix contre onze – n’aura donc duré qu’une semaine. Malgré les chants enjoués de ses 5 000 supporteurs massés dans les tribunes de l’Emirates Stadium, dans le nord de Londres, Rennes a logiquement coulé, victime de son manque d’expérience sur la scène continentale.

Un quart d’heure a suffi à Arsenal pour refaire son retard. Successeur de l’iconique Arsène Wenger, manageur d’Arsenal durant vingt-deux ans (1996-2018), l’entraîneur espagnol Unai Emery a été exaucé : la « remontada » (remontée) appelée de ses voeux a été obtenue grâce à une première réalisation du Gabonais Pierre-Emerick Aubameyang (5e minute), buteur maison et fer de lance des Gunners, et une tête à bout portant d’Ainsley Maitland-Niles (15e).

Si la joute s’est équilibrée en seconde période, avec un tir sur le poteau du Rennais M’Baye Niang (47e), les Londoniens ont enfoncé le clou (72e) sur un contre conclu par un Aubameyang létal, avant de gérer la fin de la rencontre. Au coup de sifflet final, les Bretons se sont effondrés sur la pelouse de l’Emirates, comme assommés. Déçus en tribunes, les supporteurs rennais ont toutefois agité fièrement leurs écharpes et drapeaux afin de rendre hommage à leurs joueurs. Dans une ambiance de kermesse, Pierre-Henri Pinault, fils de l’actionnaire unique du club, a fait un tour d’honneur, accompagné de son épouse, l’actrice mexicaine Salma Hayek.

Epopée rafraîchissante

Jamais le club, propriété de l’homme d’affaires François Pinault depuis 1998, n’avait atteint les huitièmes de finale d’une compétition européenne. Son épopée rafraîchissante aux allures de parenthèse enchantée vient nuancer l’image d’éternel «perdant » qui lui colle à la peau au gré de ses échecs répétés en finale de Coupe de France (en 2009 et 2014) et de Coupe de la Ligue (2013).

« On est déçus, mais on retient aussi le positif de tous ces matches, avec les supporters qui nous ont suivis, l’engouement qu’il y a eu dans la ville », a réagi la star rennaise, Hatem Ben Arfa. « C’est rageant de sortir. On aurait voulu aller le plus loin possible. »

Au bord de l’élimination en phase de poules, le Stade rennais a estomaqué les observateurs en éliminant le Bétis Séville, en seizièmes, et en terrassant Arsenal au Roazhon Park. Téléguidés par Julien Stéphan, nommé sur le banc rennais en décembre 2018 après la mise à l’écart de Sabri Lamouchi, Hatem Ben Arfa et consorts n’ont pourtant pas réussi à égaler la performance de Monaco, tombeur d’Arsenal en huitièmes de finale de Ligue des champions (victoire 3-1 à Londres, défaite 2-0 dans la principauté), en 2015.

« Who are you? », ont lancé, goguenards, les supporteurs anglais aux joueurs rennais, au terme de la rencontre. Leurs chants narquois s’expliquent par le gouffre béant qui séparait les deux formations. Avec son budget de 68 millions d’euros, le Stade rennais faisait office de farfadet à côté des Gunners, quatrièmes de Premier League et dotés d’une enveloppe de 400 millions d’euros.

Sur un plan culturel, difficile de comparer le club londonien, finaliste malheureux en Ligue des champions en 2006 et en Coupe de l’UEFA en 2000, à son adversaire breton. Il suffisait de jeter un oeil au onze aligné par Unai Emery-avec le gardien tchèque Petr Cech (36 ans, passé par Rennes de 2002 à 2004), le Français Laurent Koscielny et l’Allemand Mesut Ozil - pour mesurer l’écart entre les deux équipes en termes d’expérience.

« La marche était un peu trop haute »

« C’était niveau Ligue des champions en face, la marche était un peu trop haute en première période. Ils étaient meilleurs que nous, cela va nous permettre de nous enrichir, d’emmagasiner de l’expérience contre du très très haut niveau », a reconnu lucidement Julien Stéphan, qui n’a pas digéré la validation (sans consultation de l’arbitrage vidéo, qui ne sera introduit qu’en finale en Ligue Europa) du deuxième but d’Arsenal malgré un hors-jeu manifeste. « On n’a pas l’expérience et la puissance d’Arsenal, mais on apprend énormément, même si c’est une expérience qui se termine de manière douloureuse. On va grandir. »

« Après notre défaite à l’aller, nous avons joué 90 minutes très pleines. Nous pouvons être fiers », a sobrement commenté Unai Emery, spécialiste de la Ligue Europa depuis son triplé inédit (2014, 2015, 2016) dans la compétition réalisé avec le Séville FC. Arsenal rejoint un autre club londonien, Chelsea, en quarts de finale de Ligue Europa.

Après la qualification de Liverpool, Manchester United, Manchester City et de Tottenham en Ligue des champions, les six meilleurs clubs anglais (le Big 6) sont encore en lice dans les deux tournois européens. Signe du retour en force de la Perfide Albion sur l’échiquier continental.

Quant au Stade rennais, huitième de Ligue 1, il s’apprête à retrouver la grisaille de la vie ordinaire. En attendant de grandir.