Le naufrage du Grande-America, qui a sombré par 4 600 mètres de fond dans le golfe de Gascogne, mardi 12 mars, après un incendie, aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour son équipage.

Par gros temps, dans la nuit de dimanche à lundi, les 27 personnes à bord ont pu être sauvées des flammes grâce aux efforts de plusieurs bâtiments de la marine nationale et à « l’intervention remarquable » d’une frégate britannique, a rapporté le préfet maritime de l’Atlantique, le vice-amiral Jean-Louis Lozier.

Mais ce dernier a prévenu sur un ton solennel : maintenant que les marins de ce navire battant pavillon italien ont pu être acheminés, indemnes, vers Brest, les suites de cette « crise majeure » s’annoncent difficiles à gérer pour les pouvoirs publics.

« A cette distance de la côte, nous sommes à la limite d’intervention de nos hélicoptères les plus puissants », a indiqué le préfet maritime mercredi. Le bateau – un modèle hybride de 30 000 tonnes, entre porte-conteneurs et roulier –, s’est en effet abîmé à 330 kilomètres au large de la Charente-Maritime.

« Pétrole très visqueux »

En provenance de Hambourg, en Allemagne, il faisait route vers Casablanca, au Maroc. Selon son armateur italien Grimaldi Lines, il transportait 365 conteneurs, dont 45 contenant des matières dangereuses, et plus de 2 000 véhicules. Une quarantaine de conteneurs très endommagés par l’incendie sont passés par-dessus bord avant même le naufrage.

Le Grande-America contenait 2 200 tonnes de fioul lourd. Il ne s’agit pas d’un pétrolier et son naufrage n’est pas du même registre que les pires marées noires ayant touché le littoral, parmi lesquelles celles causées par l’Amoco Cadiz qui avait déversé en mer 223 000 tonnes d’hydrocarbure en 1978, le Boehlen (7 000 tonnes en 1976) ou l’Erika (20 000 tonnes en 1999). Néanmoins le survol aérien a permis de repérer, dès mercredi, une première nappe de pétrole de 13 km de long et de 7 km de large. Une deuxième, de 9 km sur 7 km, a été vue jeudi.

Ces deux nappes dérivent désormais plein est à la vitesse d’une vingtaine de milles nautiques par jour. « Ce pétrole très visqueux devrait arriver à la côte dans un certain nombre de jours, sans doute sous forme fragmentée, résume Nicolas Tamic, adjoint au directeur du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre). Tout dépend maintenant du vent. Des moyens lourds sont déployés sur zone. Deux navires vont tenter de confiner l’hydrocarbure flottant et un engin devrait récupérer une part de ce mélange d’eau et de fioul. »

Quelles sont leurs chances d’y parvenir alors que les conditions météos sont très dégradées ? Difficile à dire. De toute façon, les soutes sont encore loin d’être vides. Ce qui se trouve actuellement en surface représente « sans doute 500 ou 600 mètres cubes sur les 2 200 tonnes », confie Nicolas Tamic.

« Menaces pour la faune marine »

Après une conférence de presse à Brest aux côtés de représentants de la préfecture maritime, jeudi, le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, devrait se rendre vendredi à la Rochelle. Le maire de la ville, Jean-François Fountaine, s’inquiète pour les éleveurs d’huîtres et de moules. Sur l’île de Ré, les paludiers s’apprêtent à barricader leurs marais salants. Dans les préfectures de Charente-Maritime et de Gironde, toutes deux en pré-alerte, on positionne et on prépare le matériel antipollution, pelles comprises.

Comme à chaque risque de marée noire, de nombreuses critiques visent le manque de sécurité dans le trafic maritime qui représente environ 90 % du transport de marchandises dans le monde.

L’association Robin des bois a été la première à alerter sur la cargaison du Grande-America. Pas seulement sur les matières dangereuses au sens où l’entend l’Organisation maritime internationale – produits corrosifs, inflammables, explosifs, infectieux… –, mais aussi sur ce que ce genre de navires à destination de l’Afrique transporte fréquemment.

« On y trouve des véhicules de troisième main, des pneus, du matériel électronique ou électroménager usagé, rapporte Jacky Bonnemains, fondateur de Robin des bois. Même des objets en polystyrène ou des bidons en plastique constituent des menaces pour la faune marine. Mais cela est plus difficile à plaider devant des juges. »

« Abandon de déchets »

Il devrait néanmoins déposer une plainte pour « pollution et abandon de déchets » devant le tribunal de grande instance de Brest, comme il l’avait fait – en vain – lorsque le Svendborg Maersk avait perdu en mer 517 conteneurs en février 2014.

Plusieurs associations de la façade Atlantique membres de France Nature Environnement pourraient aussi se tourner vers la justice. Quant aux militants de Sea Shepherd, qui conduisent actuellement une campagne d’alerte sur le sort des dauphins, victimes collatérales de l’intense pêche dans le golfe de Gascogne, ils s’apprêtent à venir en aide aux oiseaux de mer mazoutés.