Manifestation des jeunes pour le climat, à Paris, le 15 mars. / GONZALO FUENTES / REUTERS

C’est une journée de « révolte globale ». Samedi 16 mars, des défenseurs du climat, des « gilets jaunes » et des jeunes doivent fouler ensemble les rues de près de 200 villes de France lors d’une mobilisation nationale, aux côtés de militants antiracistes à Paris. Au lendemain de la grève scolaire internationale pour le climat des étudiants et des lycéens, ils tenteront d’unir leurs voix en faveur de la justice climatique et sociale, et contre les violences policières et le racisme.

A leurs yeux, c’est un même système qu’il s’agit de combattre, celui « qui accentue les précarités, le racisme et les discriminations ». « On va hausser le ton car malgré la mobilisation des militants du climat et des “gilets jaunes” depuis des mois, la seule réponse que nous avons obtenue du gouvernement est un grand débat, note Elodie Nace, la porte-parole d’Alternatiba France, un mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale. Il n’y a aucune action concrète pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et permettre une transition écologique qui ne se fasse pas au détriment des plus précaires. »

« Printemps climatique et social »

« Nous prouvons que justice sociale et justice climatique vont de pair. Le gouvernement tente d’opposer les deux, une stratégie de division que l’on a vue avec l’arrêt de la hausse de la taxe carbone », regrette Elliot Lepers, du collectif Il est encore temps, qui propose des actions concrètes pour la protection de l’environnement.

Ces derniers jours, des citoyens ont tenté d’accroître la pression sur le gouvernement. Jeudi, quatre ONG – la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France – ont déposé un recours en justice contre l’Etat pour « inaction climatique », une démarche baptisée l’« affaire du siècle » et soutenue par 2,1 millions de personnes dans une pétition en ligne. Vendredi, 168 000 jeunes ont séché les cours et organisé marches et actions dans 200 villes de France (et plus d’un million d’étudiants, lycéens et collégiens dans 125 pays du monde) afin de demander des actions urgentes dans la lutte contre le changement climatique. Samedi, tous espèrent enfoncer le clou lors d’un rassemblement « plus large et populaire », en parallèle de l’acte 18 des « gilets jaunes ».

Ce qu’ils présentent comme un « printemps climatique et social » s’inscrit dans le cadre d’un large mouvement citoyen pour le climat né après l’été 2018, à la suite d’une série de catastrophes climatiques et de la démission de Nicolas Hulot du gouvernement. Trois marches avaient rassemblé 150 000 personnes, selon les organisateurs, les 8 septembre, 13 octobre et 8 décembre, avant un week-end d’actions les 26 et 27 janvier. Un succès alimenté par l’alliance de personnalités, de youtubeurs et d’ONG, qui permet de toucher des publics aussi vastes que divers.

Samedi, à l’appel de 140 organisations, une « marche du siècle » s’élancera de quatre lieux de la capitale. Un premier cortège, composé notamment des initiateurs de l’« affaire du siècle », de « gilets jaunes » dont Priscillia Ludosky et François Boulo, et de militants pour le climat, partira du Trocadéro à midi. Il rejoindra, place de l’Opéra, des collectifs de jeunes en grève pour le climat, une marche dédiée à la biodiversité qui partira du parc Monceau à 13 heures et un cortège consacré aux « mobilités douces » qui quittera le Palais Royal à 16 heures. Tous convergeront vers la place de la République, où sont attendues des interventions de célébrités, comme l’actrice Marion Cotillard ou le réalisateur et écrivain Cyril Dion, avant un grand concert.

« Marche du siècle » et « marche des solidarités »

Ces militants chemineront en partie avec une « marche des solidarités » qui partira de la Madeleine à « 13 h 12 » jusqu’à Stalingrad, organisée par 120 organisations telles que le collectif Justice et vérité pour Adama Traoré ou la Coalition internationale des sans-papiers et migrants. « Nous voulions être dans une logique plus inclusive, alors que les marches pour le climat sont souvent très blanches et composées de gens privilégiés », avance Elliot Lepers. Et de reconnaître : « Quand on est soumis à des violences policières dans son quotidien, il n’est pas évident de se dire que le climat est la priorité. »

« On est confrontés à un pouvoir qui utilise de plus en plus la méthode forte pour gérer la société et les conflits », abonde Denis Godard, l’un des organisateurs de la « marche des solidarités » et membre du collectif Zone de solidarité populaire dans le 18e arrondissement de Paris. Selon ce militant, la convergence des luttes s’impose : les violences policières « qui concernaient surtout des jeunes noirs et arabes dans les quartiers populaires, ainsi que des sans-papiers, s’étendent aujourd’hui aux “gilets jaunes” ». Le ministère de l’intérieur décompte depuis le début du mouvement de contestation 2 200 blessés (dont 10 « dommages irrémédiables à l’œil »), près de 9 000 interpellations et 1 800 condamnations.

Si la « marche des solidarités » ne défilera qu’à Paris, ailleurs en France, des manifestations et des actions seront menées. A Biarritz, les militants marcheront jusqu’à l’aéroport, à Grenoble ils organiseront un « die-in » géant pour protester contre les grands projets jugés inutiles, à Lyon des actions de désobéissance civile ponctueront la manifestation.