Mario Balotelli, le 10 mars, face à Nice. / JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS

Cinq buts en six matchs et demi. Une célébration vidéo, après une réussite acrobatique contre Saint-Etienne (2-0), qui a fait le tour du monde. Quelques déclarations d’amour pour le peuple bleu et blanc – les couleurs de l’OM – dans la presse et sur les réseaux sociaux. Il n’en fallait pas plus pour que Mario Balotelli s’empare, en sept semaines chrono, du cœur des supporteurs marseillais.

« Il plante, on gagne, ça change tout, résume Emilie Peretti, figure du virage Nord et du club ultra Marseille Trop Puissant (MTP). Je faisais partie de ceux qui avaient un doute à son arrivée, mais aujourd’hui, même les plus frileux doivent reconnaître qu’il a transformé l’équipe. »

« Balo et l’OM, ce sont deux folies faites pour se rencontrer », s’enflamme, « bluffé », le chef du service des sports d’Europe 1, Jean-François Pérès. « C’est un accélérateur d’émotion, de confiance. Il a, à la fois, réglé le problème d’efficacité de l’attaque et fait disparaître l’ambiance lourde du vestiaire. Les supporteurs ont tellement souffert de l’incapacité du duo Germain-Mitroglou qu’ils tombent forcément en amour avec lui », poursuit ce Marseillais de naissance, auteur d’une Histoire illustrée de l’Olympique de Marseille (éditions Hugo BD, 320 pages, 2018).

A Marseille, « Balo » devient incontournable. Le vendredi, place de Saint-Henri au fin fond du 16e arrondissement, le Denis Bar met à son menu des « spaghetti Balotelli ». Soit un solide plat de pâtes « sauce italienne aux fruits de mer épicée avec gambas flambées ». Le rapport avec le natif de Palerme n’est pas évident, mais l’intention est là.

Dans les boutiques du club, le maillot floqué au nom de l’attaquant italien a rejoint les cinq meilleures ventes de l’année et fait aussi bien que Luiz Gustavo, Florian Thauvin, Dimitri Payet et Hiroki Sakai. A la fin de la saison, il les aura certainement laissés loin derrière.

« J’ai envie de rester »

Mario Balotelli a mis huit mois pour finaliser son transfert de Nice à Marseille, mais a débarqué en terre favorable. « Depuis cent vingt ans, les vagues d’immigration italienne se sont succédé ici. Actuellement, beaucoup de chercheurs, d’intellectuels italiens, qui n’apprécient pas le climat politique dans leur pays, s’installent dans la ville, décrypte l’écrivain et réalisateur Philippe Carrese, coauteur du documentaire Marseille l’Italienne. Alors forcément, il y a un attachement historique pour tout ce qui vient de là-bas : gastronomie, opéra et, bien sûr, le foot. » « Dans quelle ville en France, Balotelli aurait-il pu trouver un engouement, une tifoseria pareille ? », abonde Emilie Peretti.

Depuis qu’il a signé à l’OM, le 23 janvier, Mario Balotelli s’emploie à travailler ce contexte propice. Au Stade-Vélodrome, il marque des buts décisifs. Après le match contre Nice, il s’est invité au « débrief » de Bengous, star locale du Web. Lunettes de soleil et survêt’ de l’OM, l’animateur-supporteur a beuglé « Mario ti amo ! » de joie, puis s’est tapé la tête contre son bureau.

L’attaquant a aussi choisi de donner à La Provence, principal quotidien régional, sa première interview. Pour mieux faire entendre sa passion aux Marseillais. L’OM ? « Le plus grand club de France. C’est un autre niveau, une autre ambiance, un autre football. » Le Vélodrome ? « Des [stades] comme ça, il y en a très peu, trois ou quatre, dans le monde. » Les supporteurs ? « Les meilleurs que j’aie connus jusqu’à présent. » Une déclaration d’amour faite en français que le buteur, qui n’a signé que jusqu’à la fin de la saison à l’OM, a couronné d’un message attendu : « J’ai dit à mon agent que j’étais bien ici. J’ai envie de rester. »

Elie Kodjo Elo, plus connu autour du Vélodrome sous le surnom de Papah Elie, s’est fait tailler une crête. Haute et large comme celle qu’arbore Mario Balotelli. « Mario, c’est déjà un bad boy de Marseille, explique cet Ivorien d’origine qui tient boutique face au stade. Il a mauvaise réputation mais a un bon fond. Il a la rage et veut gagner. Il est comme nous. »

Contre Amiens, où l’arbitrage vidéo a privé Balotelli d’un doublé, Papah Elie a sorti dans la sage tribune Jean-Bouin une banderole siglée « Olympique de Balo ». Quelques jours plus tard, devant l’aéroport où les Marseillais s’envolaient pour Rennes, il a déroulé un tapis rouge sous les pas du joueur. Buzz Internet assuré. A ceux qui lui reprochent d’en faire trop, Papah Elie se défend : « Mon seul but, c’est que Balotelli se sente aimé pour qu’il reste le plus longtemps possible. Parce que je suis sûr qu’il va faire chavirer cette ville. »

« C’est quitte ou double »

Avis prémonitoire ? Dimanche 10 mars, à la 74e minute du match contre Nice (1-0), le Stade-Vélodrome a salué la sortie de son buteur en chantant son nom sur un air de Verdi. « Avec des joueurs un peu “loco” [fou] comme lui, c’est quitte ou double, convient la MTP Emilie Peretti. Il peut devenir l’égal de ceux qu’on a adorés comme Didier Drogba ou Fabrizio Ravanelli… Ou voir la relation tourner vite au vinaigre. »

Le côté obscur, tous les supporteurs marseillais la perçoivent chez le « bad boy » Super Mario. A Rennes (1-1), sa prestation grincheuse a rappelé le fantôme du début de saison niçois. Dimanche soir à Paris, quel joueur sera sur la pelouse pour le choc de la 29e journée de Ligue 1 contre le PSG ?

« A Milan, Manchester City, Liverpool, Nice, Mario Balotelli s’est déchaîné pendant six mois, un an, pour prouver qu’il avait sa place. Mais une fois ce déclic psychologique franchi, il semble sombrer dans un état dépressif, ne célèbre plus ses buts, ne participe plus au jeu. Alors attention à ne pas lui tresser trop de louanges et à continuer à être exigeant avec lui », analyse Romain Simmarano, chroniqueur sur le site spécialisé dans le football italien Calciomio.fr.

« Peut-être que Marseille le récupère à un âge où il est prêt à se poser », ajoute celui qui suit le joueur depuis ses débuts à l’Inter Milan et est aussi… conseiller du président LR de la région Provence-Alpes - Côte d’Azur, Renaud Muselier.

Demain, c’est encore loin

Cette fâcheuse tendance au désintérêt, les anciens coéquipiers niçois de Mario Balotelli ne la digèrent toujours pas. Il y a une semaine, Malang Sarr est sorti du Stade-Vélodrome en colère. Sous sa capuche, le jeune défenseur de l’OGC Nice ruminait ses accrochages avec son ex-ami. « L’arbitre a fait comme si c’était moi qui le chauffais, mais c’est lui qui a commencé à m’insulter », rageait l’international espoir, remonté contre son ancien partenaire qu’il accuse d’avoir « lâché Nice ».

« Comme avec l’entraîneur Marcelo Bielsa, c’est une histoire passionnelle entre deux entités très instables qui n’existera que sur le court, ou, au mieux, le moyen terme, prédit Jean-François Pérès. Si j’étais à la place des dirigeants marseillais, je ne chercherais pas à m’attacher ses services plus qu’une saison supplémentaire. »

Dans l’esprit des supporteurs de l’OM, demain, c’est encore loin. Un bon résultat sur la pelouse du Parc des Princes, dimanche soir face à l’intouchable rival parisien, suffirait au bonheur général. En rêvant toujours à une qualification pour la Ligue des champions qui donnerait à Mario Balotelli une motivation de plus pour prolonger son bail.