Le rappeur Nick Conrad, le 9 janvier, à Paris. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

« La liberté de création artistique n’est pas absolue » : le rappeur Nick Conrad, propulsé hors de l’anonymat par la polémique suscitée par son clip « Pendez les Blancs », a été condamné mardi 19 mars, à Paris, à 5 000 euros d’amende avec sursis pour provocation au crime.

En septembre 2018, la diffusion de ce clip, depuis retiré par YouTube, avait enflammé les réseaux sociaux et suscité de nombreuses condamnations au sein du gouvernement et dans la classe politique. Nick Conrad, un artiste noir autoproduit, s’y mettait en scène enfonçant un revolver dans la bouche d’un Blanc, lui tirant dessus ou lui écrasant la tête sur un trottoir. La victime apparaissait également pendue. « Je rentre dans les crèches, je tue des bébés blancs (…), pendez leurs parents, écartez-les pour passer le temps », proclamaient notamment les paroles. « Fouettez-les fort, faites le franchement, que ça pue la mort, que ça pisse le sang ».

A l’issue du délibéré, le rappeur de 35 ans, qui a toujours défendu une « fiction » militante dénonçant le racisme en inversant Noirs et Blancs, a annoncé qu’il ferait appel. « Je suis déçu mais le combat va continuer », a réagi le jeune homme, qui a perdu son emploi de réceptionniste dans un palace en raison de cette affaire. « Le tribunal a eu une lecture de la liberté d’expression qui ne nous satisfait pas », a estimé son avocate Chloé Arnoux. Cette peine de 5 000 euros avec sursis est conforme à celle qu’avait réclamée le parquet lors de l’audience, le 9 janvier.

Dans sa décision, le tribunal correctionnel a d’abord rappelé que si « les limites admissibles de la liberté d’expression s’apprécient avec une plus grande souplesse » lorsqu’il s’agit de rap, « la liberté de création artistique n’est toutefois pas absolue ». Dans le cas de « Pendez les Blancs », « les termes de la chanson, accompagnés d’images violentes et brutales, incitent directement l’internaute à commettre des atteintes à la vie sur les personnes de couleur blanche », ont estimé les juges.

« Appels évidents au meurtre »

Nick Conrad – un pseudonyme – avait réfuté à l’audience tout racisme envers les Blancs. Il avait défendu une œuvre revendicative, certes réaliste mais fictionnelle et truffée de références à des films comme American History X, qui explore les origines du racisme et de l’extrémisme aux Etats-Unis.

Il s’agit d’une dénonciation du racisme à travers l’évocation « à l’envers » de l’esclavage et des lynchages subis par les Noirs, avait-il assuré. Une histoire dont il « souffre par répercussion », avait-il ajouté, expliquant avoir subi des discriminations. Toutefois, aux yeux du tribunal, « l’internaute visionnant la vidéo ne perçoit pas la distanciation » entre imaginaire et réel, entre le rappeur et son personnage dans la chanson, ni « le fait qu’elle ne serait qu’une dénonciation du racisme subi par les personnes de couleur noire, par inversion des rôles ». « Aucun élément ne permet ici de comprendre le caractère fictionnel des appels aux meurtres », insistent les magistrats.

« Compte tenu des expressions employées et de la réitération d’appels évidents au meurtre », Nick Conrad « ne pouvait pas ne pas avoir conscience de leur caractère incitatif à commettre des atteintes à la vie », concluent-ils. « Pour moi, c’était une fiction », a répété le rappeur après son jugement. « Il y avait trop de références pour qu’on ne comprenne pas. » La vidéo avait initialement été repérée par des personnes proches de l’extrême droite, qui y avaient vu l’expression d’un « racisme anti-Blancs », et également relayée par le polémiste Dieudonné.

Le rappeur a été condamné à payer 1 000 euros de dommages et intérêts à chacune des deux associations parties civiles, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif).