Emmanuel Macron a annoncé, lundi 18 mars, alors qu’il échangeait avec une soixantaine d’intellectuels dans le cadre du grand débat, qu’il ne souhaitait pas « changer » la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. « Ma vision est claire, c’est 1905 et rien que 1905 », a-t-il développé. On est loin de l’ambition qu’avait affichée le chef de l’Etat quand il assurait, dans un entretien au Journal du dimanche, en février 2018, vouloir « poser les jalons de toute l’organisation de l’islam de France » et ce dès « le premier semestre 2018 ».

L’exécutif avait pourtant fait savoir en novembre qu’il réfléchissait, dans le cadre du toilettage du régime des cultes qu’il appelle de ses vœux, à amender ce texte fondateur tout en assurant qu’il ne s’agissait pas de toucher aux principes de liberté de culte et de la neutralité de l’Etat. Les services du ministère de l’intérieur s’étaient attelés à la tâche et avaient préparé un ensemble de modifications qui concernaient, entre autres, certaines dispositions de la loi de 1905, dont plusieurs étaient jugées inapplicables en l’état.

Dégâts collatéraux

Eventé par un article de L’Opinion, ce projet avait alarmé les responsables des principaux cultes. Ceux-ci n’avaient pas été consultés sur l’idée de toucher à un texte qui, après des débuts conflictuels avec l’Eglise catholique, a fini par être considéré par toutes les confessions comme le symbole et le garant d’un équilibre qu’il ne faut retoucher qu’avec la plus grande prudence.

En outre, les représentants des cultes catholique et protestant craignaient d’avoir à subir les dégâts collatéraux d’une réforme qui, en réalité, était d’abord destinée à favoriser une meilleure organisation du culte musulman. Ils avaient du mal à admettre que, parce que la plupart des mosquées sont organisées en dehors du cadre de la loi de 1905, la réglementation en vigueur allait être durcie pour tout le monde.

Des membres de la Conférence des responsables de culte en France, qui réunit les représentants des cultes chrétien, musulman, juif et bouddhiste, avaient estimé en février que les amendements envisagés par l’exécutif risquaient de « contraindre » plus que d’élargir la liberté de culte et avaient mis en garde contre une « approche sécuritaire » qui serait à leurs yeux « inadmissible ».

« En parlant de réorganiser l’islam et en faisant fuiter un projet de révision de la loi de 1905, le gouvernement a entretenu la crainte de ceux qui pensaient que des compromis anciens pourraient être bouleversés », reconnaît un proche du dossier.

Transaprence financière

« Notre devoir dans les réformes à conduire, c’est de clarifier les sujets de financement parce que ces sujets nourrissent certains groupuscules qui ne respectent pas les lois de la République, nourrissent des comportements de sécession de la République », a toutefois souligné Emmanuel Macron, lundi soir. Avant d’ajouter : « On a aussi le sujet qui nécessite une clarification et une organisation, celui du pèlerinage [à La Mecque] où aujourd’hui les règles de transparence, de clarté, ne sont pas satisfaisantes. »

« Le président ne souhaite pas qu’on entre dans le débat par la modification de la loi de 1905 qui a été interprétée par certains comme une adaptation du cadre de notre laïcité à l’islam », commente l’Elysée. En clair, l’exécutif poursuit toujours les mêmes objectifs – renforcer la transparence du financement des cultes, lutter contre les propos haineux et consolider la gouvernance des associations cultuelles en responsabilisant davantage leurs dirigeants –, mais il pense désormais pouvoir les atteindre sans toucher – ou en touchant le moins possible – à la loi de 1905.

Alors que la plupart des mosquées sont aujourd’hui gérées par des associations qui dépendent du régime de la loi de 1901, le gouvernement souhaite trouver les moyens d’inciter les associations qui gèrent les lieux de culte à s’inscrire dans le cadre de la loi de 1905, un régime qui impose des règles de transparence et de gouvernance jugées plus efficaces.

« Finalement, cela peut très largement se faire sans toucher à la loi 1905, voire même sans trop toucher à la loi de 1901 », explique un proche du dossier. En réformant le code pénal, par exemple, pour pouvoir dissoudre des associations qui auraient tenu des propos incitant à la haine, ou le code général des impôts, pour accroître les exigences en matière de transparence financière. C’est exactement ce que soutenaient certains responsables de cultes ces derniers mois. Le gouvernement devrait présenter son projet au deuxième semestre 2019.