Juan Guaido a dénoncé une manœuvre « vile » et « grossière » après l’arrestation de son chef de cabinet, jeudi 21 mars. / Natacha Pisarenko / AP

Des agents du renseignement ont arrêté jeudi 21 mars à l’aube le chef de cabinet de l’opposant vénézuélien Juan Guaido, président par intérim autoproclamé. Ce dernier a dénoncé une manœuvre « vile » et « grossière » et prévenu qu’il ne se laissera pas intimider.

Roberto Marrero est accusé de « terrorisme », a annoncé le ministre de l’intérieur, Nestor Reverol, en direct à la télévision. Il est également accusé d’avoir « détenu une quantité importante d’armes ».

« Ils ont arrêté Roberto Marrero, mon chef de cabinet, en l’accusant de détenir deux fusils et une grenade déposés [intentionnellement chez lui]. L’arrestation s’est produite à 2 heures du matin environ [7 heures à Paris] », a annoncé sur Twitter M. Guaido, engagé dans un bras de fer avec le chef de l’Etat en exercice Nicolas Maduro depuis deux mois.

M. Guaido s’est ensuite exprimé devant des journalistes :

« Ils veulent m’intimider ? Mais ils ne peuvent pas aller tous nous chercher. Ils veulent venir me prendre ? Qu’ils viennent [mais] ils ne pourront nous dévier de la route que nous sommes en train de tracer. »

Pour lui, le gouvernement de M. Maduro essaie d’instiller « la peur » dans les rangs de l’opposition et expose sa « faiblesse » en agissant ainsi.

L’UE demande la « libération immédiate » de M. Marrero

Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale, dominée par l’opposition, avait lui-même été arrêté par les services de renseignement vénézuéliens (Sebin) le 13 janvier lors d’une opération spectaculaire en pleine autoroute, avant d’être relâché une heure après.

L’arrestation brutale de M. Marrero a aussitôt été condamnée par le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo : « Nous appelons à sa libération immédiate. Ceux qui le retiennent devront rendre des comptes », a-t-il mis en garde via Twitter.

L’ONU a invité à « empêcher toute escalade » de la tension : « Nous renouvelons notre appel à ce que tous les acteurs au Venezuela prennent des mesures immédiates pour apaiser les tensions », a déclaré un de ses porte-parole à New York.

L’Union européenne a également appelé à une « libération immédiate et inconditionnelle » de l’opposant. Et la France a également insisté sur « l’arrêt de la répression contre l’opposition au régime de Nicolas Maduro » alors que les organisations de défense des droits de l’Homme dénoncent les arrestations et détentions sans jugement dans le pays.

« La dictature retient ces deux citoyens »

M. Marrero, avocat de profession, a été arrêté lors d’une opération du Sebin menée à son domicile et à celui, non loin de là, du député d’opposition Sergio Vergara, dans le quartier résidentiel de Las Mercedes, à Caracas.

Lors de son arrestation, Roberto Marrero « a crié que [les membres du Sebin] avaient déposé chez lui deux fusils et une grenade. Ils l’ont emmené et je lui ai dit de rester fort », a déclaré M. Vergara à la presse.

Le député a raconté qu’une quinzaine d’agents l’avaient jeté au sol et avaient « visité » sa maison, avant de l’interroger sur le domicile de Roberto Marrero. Au cours de cette opération, qui a duré deux heures selon lui, deux procureurs étaient présents, a-t-il ajouté. « Ils ont commencé à enfoncer [l’entrée de] la maison de Roberto Marrero, qui se trouve à quelques mètres de la mienne, jusqu’à ce qu’ils réussissent à entrer. » Un chauffeur qui travaille pour le Parlement a également été arrêté. « Depuis, la dictature retient ces deux citoyens », a conclu M. Vergara.

La maison sens dessus dessous

L’entrée de la résidence de Roberto Marrero, arrêté par les services de renseignement venezuéliens, le 21 mars. / IVAN ALVARADO / REUTERS

Juan Guaido s’est rendu jeudi matin au domicile de son collaborateur, une maison aux murs blancs. Au niveau de la porte d’entrée, le mur était abîmé et l’intérieur de la maison était sens dessus dessous, a constaté l’Agence France-Presse.

Cette arrestation intervient alors que le Venezuela est plongé dans une profonde crise politique depuis que M. Guaido s’est proclamé président par intérim le 23 janvier, en contestant la régularité de la réélection de M. Maduro, entachée de fraudes selon lui.

M. Guaido a plusieurs fois affirmé qu’il était prêt à autoriser une intervention militaire étrangère. Le président américain Donald Trump a réitéré, mardi, que « toutes les options » étaient examinées pour faire partir Nicolas Maduro du pouvoir. « C’est honteux ce qui se passe au Venezuela – l’endettement et la destruction et la famine », a-t-il ajouté.

L’ONG de défense des droits de l’homme Foro Penal a décompté cette semaine 866 personnes détenues pour des raisons politiques au Venezuela, et sans jugement pour la plupart.