François Hollande lors d’une rencontre avec des lycées, à Hénin-Beaumont, le 22 mars 2019. / DENIS CHARLET / AFP

Le Rassemblement national (RN) n’avait pas fait le déplacement et François Hollande en était presque déçu. L’ancien président de la République, qui venait vendredi 22 mars tenir une conférence sur l’Europe au lycée Darchicourt d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dans le fief de Steeve Briois (RN), entendait faire de ce déplacement un marqueur de son combat contre l’extrême droite.

Villes touchées par la crise et quartiers prioritaires

La présidente du RN et députée de la 11e circonscription du Pas-de-Calais, Marine Le Pen, avait d’ailleurs tenté d’interdire la réunion auprès de la rectrice d’académie, en s’insurgeant contre cette « grossière opération de communication » à quelques semaines du scrutin du 26 mai. « Je ne m’interdis d’aller nulle part », a lancé François Hollande tout sourire devant une centaine de lycéens sur leur trente et un.

Voilà presque un mois que l’ancien chef de l’Etat visite les lycées qui le sollicitent après une invitation faite sur Twitter : « Et si je venais vous voir ? », les interpellait-il. Les réponses ont afflué et François Hollande a ciblé les villes touchées par la crise et les quartiers prioritaires au gré des sollicitations. « Je m’intéresse à cette jeunesse qui se pose des questions sur son propre enfermement en se demandant si elle peut s’en sortir », assure-t-il.

L’ex-président a donc, durant deux heures, répondu aux questions sages sur l’euroscepticisme, l’accueil des réfugiés ou la lutte contre le changement climatique, en expliquant sa conviction que l’Europe peut se relancer. « Je voulais, avec mon expérience, vous montrer que nous pouvons encore avoir un avenir commun », a-t-il insisté après avoir décrit les méfaits du Brexit. « Il y a un point positif à ce vote, c’est que les nationalistes de tout poil, aujourd’hui, il n’y en a plus un qui demande la sortie de l’Union européenne », a souligné l’ex-chef d’Etat. Ajoutant : « C’est sans doute ce que les Britanniques nous ont apporté de mieux pour la construction de l’Europe ! »

« Quand il n’y a pas d’interlocuteurs, il ne peut y avoir de dialogue »

L’ancien patron des socialistes s’est aussi fait un malin plaisir à faire un cours sur l’utilité des partis politiques. « Il faut toujours qu’il y ait des organisations politiques pour représenter des idées, qu’il y ait des élus pour parler en notre nom, des syndicats pour représenter les salariés. Quand il n’y a pas d’interlocuteurs, il ne peut y avoir de dialogue », a expliqué M. Hollande faisant référence au mouvement des « gilets jaunes ». Prudent, il n’a pas été plus loin dans ses allusions, « pour ne pas avoir l’air de vouloir vous influencer », a-t-il soufflé tout sourire à sa jeune assistance.

Inquiétude devant le face-à-face Macron-Le Pen

Le 3 avril sortira une version enrichie de Les Leçons du pouvoir, publiées en avril 2018 aux éditions Stock. Trois nouveaux chapitres (« Reconquérir », « Vaincre » et « Ouvrir une nouvelle voie ») sont venus s’ajouter. Il y dit son inquiétude devant le face-à-face Macron-Le Pen qui s’installe à deux mois des élections européennes et critique une gauche qui, selon lui, ne serait pas la hauteur.

« C’est parce qu’il y a un défaut d’affirmation qu’on est faible ! »

Celui qui a fait toute sa vie politique chez les socialistes ne cache pas son agacement devant la stratégie actuelle d’alliance du premier secrétaire Olivier Faure avec le mouvement de l’essayiste Raphaël Glucksmann, Place publique : « C’est parce qu’il y a un défaut d’affirmation qu’on est faible ! Quand vous commencez à douter de vous, vous n’êtes pas écoutés », confie M. Hollande au Monde.

L’ex-président plaide pour une reconquête des classes populaires et c’est notamment pour cela qu’il s’est lancé dans ce périple à travers la France, assure-t-il. « On doit parvenir à reprendre tous ces électeurs qui s’abstiennent ou votent RN. Mais pour cela, il faut proposer un espoir de changement profond et un travail de terrain qu’on ne fait plus », poursuit celui dont le quinquennat a été critiqué à droite comme à gauche et qui n’a pas été en mesure de se représenter au terme de son mandat. Lui reste persuadé qu’il peut encore « être utile ».