Bordé par le Liban au nord, la Syrie à l’est, Israël à l’ouest, et la Jordanie au sud, culminant à 2 000 mètres d’altitude, le plateau syrien du Golan surplombe la vallée du Jourdain et la Galilée israélienne à l’ouest et le plateau de Damas à l’est. Une position hautement stratégique dans une région de conflits, notamment entre Israël et la Syrie. Jeudi 21 mars, Donald Trump s’est dit favorable à une reconnaissance de la souveraineté d’Israël.

« Après 52 ans, il est temps pour les Etats-Unis de reconnaître pleinement la souveraineté d’Israël sur le Golan, qui a une importance stratégique pour l’Etat d’Israël et la stabilité régionale », a tweeté le président américain, immédiatement salué par le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou. Pourquoi cette déclaration fait autant polémique ?

Les guerres de 1967 et 1973

Le plateau du Golan se situait en territoire syrien lorsque le pays accéda à l’indépendance, en 1946. Si Israël en revendique aujourd’hui la souveraineté, c’est parce qu’il a conquis le Golan (en même temps que le Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est) en 1967 au cours de la guerre qui avait opposé l’Etat juif à l’Egypte, la Jordanie et la Syrie (guerre dite des « Six Jours » en Israël).

Il a été l’objet de violents combats six ans plus tard lors de la guerre de 1973 (guerre de Kippour en Israël) qui n’ont pratiquement pas fait bouger les lignes. La zone occupée par Israël et la Syrie sont séparées par une zone démilitarisée surveillée par les Nations unies depuis 1974.

Quelque 1 200 km2 du plateau du Golan, frontalier également du Liban et de la Jordanie, ont été annexés par Israël en 1981. Cette annexion n’a jamais été reconnue au niveau international et a même été condamnée par une résolution des Nations unies en décembre de la même année.

Lors des guerres de 1967 et 1973, près de 15 0000 personnes, soit la majorité des habitants syriens du Golan, ont fui. Près de 20 000 colons israéliens s’y sont installés, répartis aujourd’hui dans 33 implantations, essentiellement agricoles, créées sur le plateau après la conquête de 1967. Ils cohabitent avec 18 000 Druzes, dont la quasi-totalité ont refusé la carte d’identité israélienne. Ils sont autorisés à rester sur place, à la différence des autres communautés, après la conquête de 1967.

La question de l’eau au centre du conflit

L’intérêt d’Israël et de la Syrie pour le Golan est d’abord militaire. Avant sa colonisation, le Golan représentait une véritable forteresse syrienne. Durant la guerre israélo-arabe de 1948-1949, l’armée syrienne s’y était repliée et y lançait des attaques de positions israéliennes. Elle y avait installé une unité de tireurs d’élite, des radars permettant de détecter les avions militaires israéliens et plusieurs installations militaires. Sa conquête était une nécessité défensive aux yeux d’Israël. Le Golan est ensuite devenu un atout offensif, puisque Israël dispose notamment d’une station d’écoute au sommet du mont Hermon, au nord du Golan, à seulement une soixantaine de kilomètres de la capitale syrienne, et peut y déployer ses forces.

Mais l’argument militaire n’est pas le seul. Derrière la maîtrise du plateau du Golan, c’est aussi la maîtrise des ressources en eau, rares et convoitées dans une région traversée par de larges zones désertiques, qui se joue. Avant même la guerre des Six-Jours, la Syrie, le Liban, la Jordanie et Israël se disputaient la maîtrise des lacs et des cours d’eau. Même si Israël (à 60 % désertique) produit désormais une large partie de son eau potable par désalinisation (600 millions de m3 par an), la maîtrise des sources d’eau douce reste primordiale.

A lui seul, le Golan (avec divers cours d’eau et nappes phréatiques) fournit un peu plus de 250 millions de m3 d’eau douce par an à Israël. Le contrôle du plateau permet, en outre, à l’Etat hébreu de protéger le Jourdain — fleuve qui longe le flanc ouest du plateau et que la Syrie, la Jordanie et le Liban voulaient détourner à leur profit avant l’occupation — et du lac de Tibériade, plus grande réserve d’eau douce d’Israël. C’est parce que la Syrie revendiquait une frontière lui laissant accès à la rive droite de ce lac que les négociations ont définitivement achoppé en avril 2000, Israël s’y opposant catégoriquement.

Le théâtre d’intenses combats

Dans les années 1990, des négociations israélo-syriennes ont achoppé sur la question du Golan, dont la Syrie réclame la restitution totale jusqu’aux rives du lac de Tibériade.

Le déclenchement de la guerre en Syrie, en mars 2011, a attisé les tensions : le 15 mai et le 5 juin, anniversaires de la création d’Israël et de la guerre de 1967, l’armée israélienne a ouvert le feu contre des réfugiés palestiniens et des Syriens qui tentaient de franchir la ligne de cessez-le-feu, faisant une trentaine de morts selon l’ONU.

Le Golan a ensuite été le théâtre d’intenses combats entre rebelles et régime syrien. Des casques bleus de l’ONU ont parfois été pris à partie, comme ces 45 Fidjiens pris en otage par le Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda, puis relâchés en 2014.

Les tirs au mortier en provenance de la Syrie, rarement mortels, sont devenus fréquents sur le plateau. Israël riposte à chaque fois, que le tir soit errant ou intentionnel.

En janvier 2015, dans un raid visant le Hezbollah libanais, Israël a tué des militaires iraniens dont un général. Mi-mars 2019, Israël a accusé le Hezbollah d’établir secrètement dans le Golan syrien, près du territoire sous son contrôle, un réseau militaire commandé par une figure du mouvement chiite libanais.