Donald Trump et Benyamin Nétanyahou, à Washington, le 5 mars. / MANDEL NGAN / AFP

Editorial du « Monde ». Il fut un temps où les liens étroits entretenus par les Etats-Unis et Israël n’empêchaient pas Washington de jouer les « courtiers honnêtes » au Moyen-Orient pour parvenir à la paix. Un temps où la protection d’Israël n’était pas jugée incompatible avec le respect de la règle commune, le droit international, si fragile et disputé soit-il. Où la force n’était pas considérée comme un principe définitivement supérieur à tout autre. Ce temps-là s’est arrêté depuis l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump.

Le président des Etats-Unis a apporté avec lui d’autres jauges, pour d’autres objectifs. L’heure est à la transgression, au mépris de la réflexion et de la connaissance des dossiers. Au court-termisme qui permet aujourd’hui de bomber le torse sans savoir ce que demain réservera. Le souhait exprimé par le président des Etats-Unis, jeudi 21 mars, de reconnaître l’annexion du Golan syrien, conquis militairement par Israël en 1967, s’inscrit dans cette perspective. « Aucun président ne l’avait fait », a déclaré Donald Trump jeudi, comme si cela pouvait constituer un critère pertinent dans l’Orient compliqué.

L’argument de la sécurité d’Israël a été avancé par Donald Trump pour justifier le mépris de frontières internationales tracées en l’occurrence en 1923, bien avant la création de l’Etat juif. Il a assuré que la proximité des élections législatives israéliennes, le 9 avril, n’avait rien à voir avec sa décision, affirmant que « cela ne [lui] a même pas traversé l’esprit », ce qui revient soit à avouer une ignorance crasse, soit à prendre ses interlocuteurs pour de parfaits imbéciles.

Une nouvelle fois, le président américain a tranché unilatéralement et brusquement, plaçant ses alliés traditionnels devant le fait accompli, ce qui n’est pas le meilleur des gages. Le hasard a fait que Donald Trump trouve dans le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, cerné par les affaires, un parfait acolyte, mû par le seul souci de sa survie politique.

Rapports de force

L’Iran, dont la menace est avancée pour justifier ce coup de force, n’a certes pas attendu cette décision pour prendre pied comme jamais par le passé sur le territoire syrien, à la faveur de la guerre civile qui a fait vaciller le régime de Bachar Al-Assad. Mais il pourra désormais la mettre en avant pour justifier sa présence, paradoxalement au nom d’une cause arabe. Le dictateur de Damas en fera certainement de même pour détourner l’attention de ses crimes. Et d’autres puissances pourront dorénavant s’inspirer de la décision de Donald Trump pour bafouer à leur tour le droit international au gré des rapports de force.

On peut redouter d’ailleurs que le président des Etats-Unis ne s’arrête pas en chemin. Que le plan de paix israélo-palestinien qu’il promet depuis son arrivée à la Maison Blanche s’inscrive dans cet alignement complet sur les positions israéliennes et débouche sur de nouvelles humiliations pour les Palestiniens, après la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël, sans la moindre mention de la légitimité de leurs revendications sur la partie orientale de la ville, également conquise par la force.

Après cette dernière, Donald Trump avait assuré avoir réglé l’un des contentieux de ce lancinant conflit. Il semble penser aujourd’hui qu’avec un simple message publié sur son compte Twitter le Golan vient de changer pour l’éternité de propriétaire. Difficile d’imaginer plus dangereuses illusions.