L’une des surfaces de bitume plissées ou boursouflées, comme il y en a tant dans les rues de Paris, photographiée par Sophie Ristehueber. / GALERIE JÉRÔME POGGI

Que montrent ces images dont l’humain est absent ? Pour la moitié d’entre elles, après un bref doute, on le découvre : des surfaces de bitume plissées ou boursouflées, comme il y en a tant dans les rues de Paris. Sophie Ristehueber, les ayant mouillées, les photographie de sorte que l’on dirait les bulles d’un lac de basalte en fusion ou des buttes recouvertes d’une croûte calcinée. Mais l’autre moitié ? Des gros plans de sable éboulé et creusé de pas ? Un désert crevé de cratères de bombes, comme l’artiste en vit autrefois lors de la première guerre du Golfe ? Une planète morte ? En fait, ce sont des vues aériennes de la région de la Mer Morte, sols morts par excès de sel, effondrements creusant des cavernes dans une terre où aucune végétation ne survit. Aux harmonies noires du goudron, elles opposent leurs nuances d’ocres et de gris. Les tirages étant tous de même dimension, l’immensité et le détail se côtoient, s’égalisent, se confondent.

Ristelhueber fait apparaître des paysages infinis dans un mètre carré de chaussée et, à l’inverse, montre des paysages immenses comme s’ils n’étaient que la même petite surface de terre regardée de tout près. On s’approche, on se recule : l’œil est captif, pris au piège de ces incertitudes visuelles. Quant aux interprétations symboliques et historiques auxquelles incitent ces images et leur confrontation, elles sont trop nombreuses pour que l’on en tente l’inventaire. Ce qui est le propre des très grandes œuvres.

« Sunset Years », de Sophie Ristelhueber, Galerie Jérôme Poggi, 2, rue Beaubourg, Paris 4e. Tél. : 09-84-38-87-74. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 3 mai.