Netflix, à la demande, série documentaire

Bref, incisif, évocateur, le titre de cette minisérie, Losers (« Perdants »), ne rend pas justice aux analyses et nuances dont font preuve les sportifs qui y témoignent. Il n’y a rien d’un état figé de « perdant », de tocard ou de raté chez eux, eux qui ne firent que frôler un titre suprême. En dépit de son titre, cette série documentaire renvoie surtout à leur envie de se surpasser, au cheminement intime qui a été le leur après un échec (ou une non-victoire).

Encore faut-il s’entendre sur l’état de service des « losers » filmés par Mickey Duzyj. Celui du premier épisode, Michael Bentt, de loin le plus passionnant, fut tout de même cinq fois champion national puis champion du monde poids lourds WBO en 1993 – titre qu’il perdit l’année suivante, avant de devenir acteur.

Qu’a donc d’un « perdant » ce Michael Bentt, que son père rêvait de transformer en Mohamed Ali bis ? Lui qui reçut une raclée lorsqu’il osa dire, dès le CM2 mais en vain, qu’il voulait arrêter la boxe, et qui explique que tant comme amateur que comme professionnel il ne pouvait s’empêcher d’espérer furtivement qu’une panne d’électricité ou une tornade annulerait le combat qu’il était sur le point de livrer ? Pour « ne pas aller sur ce putain de ring ». Parce que « boxer n’est pas un sport, c’est un putain d’acte de survie. De la survie tribale primaire ».

« Soulagement »

Certes, il fut terriblement humilié de perdre certains combats, se haïssant, jusqu’à en nourrir des pensées suicidaires, tant le torturait le conflit entre la rage de gagner dictée par son père et cette envie de tout abandonner qui ne l’avait pas quitté depuis ses 10 ans. Mais quel « soulagement », explique-t-il, lorsqu’il apprit, après avoir perdu son titre de champion du monde, qu’il ne pourrait plus boxer ni même heurter sa tête, au risque de devenir un légume. Seuls les plateaux de cinéma, plus tard, lui donneraient le sentiment d’être enfin à sa place… C’est dire tout ce que les résultats officiels, les titres de champion et la renommée peuvent cacher de drames intimes et de batailles souterraines.

On aurait aimé qu’à son tour la patineuse française Surya Bonaly – cinq titres de championne d’Europe, notamment –, sujet du troisième épisode, analyse avec pugnacité le monde auquel elle se heurta, en tant qu’athlète noire, jugée trop peu élégante et féminine dans ses performances artistiques. Face aux silences de la patineuse, c’est le réalisateur lui-même qui, après avoir évoqué l’« échec » de ne pas avoir fini première lors de trois Jeux olympiques et de trois championnats du monde, revient sur le moment où la jeune fille décida de contrevenir aux règles, de s’offrir un moment de triomphe, une revanche face à l’institution du patinage féminin. On est alors en 1998, lors des derniers Jeux olympiques auxquels elle participera.

Les résultats officiels, les titres de champion et la renommée peuvent cacher de drames intimes et de batailles souterraines

Souffrant d’une blessure, elle sait qu’elle ne l’emportera pas, et décide, lors de son dernier passage, d’exécuter un salto arrière, une figure interdite et qu’elle est la seule capable de faire : colère des juges, délire et standing ovation dans le public… L’on ne se prépare pas à la défaite, mais on y survit.

Composée d’extraits d’archives, de commentaires d’experts, d’images animées et du témoignage d’un sportif à chaque volet, cette série documentaire s’avère très inégale – nous recommandons les épisodes 1, 3, 5, 6 et 8. Mais Losers a la vertu de s’intéresser, chose trop rare, à « l’après-échec », à la renaissance – et la reconnaissance, à laquelle il invite.

Losers | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 02:17

Losers, créée par Mickey Duzyj (EU, 2019, 8 × 30 min). www.netflix.com