Depuis dix ans, un prestigieux concours de saut d’obstacle se déroule sous la nef du Grand palais. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

Le cheval s’ébroue alors qu’il prend de la vitesse. A son côté, sa groom trottine en le tenant en longe, effectuant son réveil musculaire en même temps que son protégé. Au-dessus d’eux, la voûte du Grand palais s’éclaire peu à peu. En cette entame de matinée, vendredi 22 mars, l’édifice parisien se transforme en ruche alors que les concurrents de la dixième édition du Saut Hermès prennent possession des lieux.

« Certains chevaux sont plus raides que d’autres, et ont vraiment besoin de se dégourdir les pattes pour être mieux dans leur corps », explique la groom Manon Bénézet, attachée au cavalier belge Jérôme Guéry. Ce n’est que le début de la journée, et la jeune femme a déjà nourri et abreuvé ses protégés, et fait leurs boxes.

Après l’entraînement, elle réglera leur repas en fonction de l’heure du concours – athlètes de haut niveau, les chevaux ne doivent pas manger juste avant les épreuves –, les apprêtera, et suivra leur concours. Une fois l’épreuve passée, il lui faudra encore les déharnacher, les doucher et leur appliquer de la glace sur les jambes « pour aider les tendons à récupérer », avant de profiter d’un repos mérité. « Suivant l’heure des concours, il arrive qu’on termine vers 2 heures du matin », relate cette passionnée, qui fait ce métier depuis trois ans. « Ils font un boulot de fou », assène le cavalier français Simon Delestre.

Carte blanche avec les chevaux

Les grooms font partie des nombreux métiers composant les écuries entourant les chevaux de concours, au même titre que les vétérinaires, selliers ou maréchaux-ferrants. Tous contribuent à faire des chevaux sauteurs d’obstacles de véritables coqs en pâte, afin d’en tirer le meilleur sur la piste.

A l’instar d’une écurie de Formule 1 – qui a emprunté son nom au monde hippique – ou d’une équipe cycliste, une écurie est une cellule où tout est mis au service de la performance. Et comme les pilotes, le cavalier effectue les derniers réglages une fois les chevaux formés, afin de les avoir à sa main. « Enfin les derniers réglages, on parle de quelques saisons, nuance Simon Delestre. Pas de quelques mois. »

Le Français, vainqueur du concours parisien l’an passé, dispute entre quarante et quarante-cinq concours par an. « Je vais presque d’un concours à l’autre », souffle-t-il, insistant sur l’importance « d’avoir une équipe compétente en qui je peux avoir totale confiance pour gérer le changement des chevaux d’un concours à l’autre, les soins, les rendez-vous vétérinaires, ceux avec les maréchaux… » Toutes les préparations et entraînements indispensables afin de lui « permettre d’avoir des chevaux parfaitement prêts à chaque concours. »

« On a de grosses journées et beaucoup de responsabilités, insiste Manon Bénézet. Donc la confiance que nous accorde le cavalier est primordiale, parce qu’il nous laisse carte blanche avec ses chevaux. » Ne comptant pas ses heures – une semaine de soixante heures est une « petite semaine » –, la jeune femme n’envisage pas travailler pour un cavalier ne lui faisant pas confiance. « Pour pouvoir s’épanouir dans ce boulot quand même très contraignant, on a vraiment besoin de cette confiance. »

Gains marginaux

Accompagné sur la majeure partie du circuit par une groom attitrée – les rares concours où un collègue la remplace correspondent à des superpositions de calendrier –, Simon Delestre est, comme tous les cavaliers, à la tête d’une petite entreprise. A Solgne, près de Metz, il s’appuie sur sa cellule familiale pour entraîner ses chevaux et dénicher de nouvelles bêtes. « On essaie toujours de chercher des nouveaux parce que malheureusement ce ne sont pas des voitures, souligne celui qui est venu à Paris avec les chevaux Ryan des Hayettes et Chesall Zimequest. Une fois qu’ils sont au point, c’est génial mais il y a une fin qui arrive toujours trop vite. On est tout le temps obligé d’essayer de retrouver des chevaux de qualité. »

Une qualité que rehausse l’équipement des animaux. A commencer par le bout de leurs sabots. « Notre seul objectif, c’est que le cheval soit bien », rapporte le maréchal-ferrant, Gérard Moissonnier. Là encore, on en revient à l’équipe, car chaque cavalier a ses préférences pour chausser ses montures, et les transmet à l’artisan. En cas de divergences, le vétérinaire peut intervenir pour trancher. Complémentaire du maréchal-ferrant, ensemble, ils s’attachent à trouver « le juste milieu entre la pathologie et la performance », explique le vétérinaire Thierry Grisard. Car à trop modifier la ferrure pour protéger le sabot d’une pathologie, le cheval peut perdre en performance. « Notre sport ne tient à pas grand-chose », martèle Simon Deletre. Des gains marginaux, un obstacle heurté qui ne choit pas, une selle permettant au cavalier de faire corps avec son cheval.

« La selle est l’outil du cavalier, rappelle Lauret Goblet, maître sellier de la maison Hermès – laquelle renoue chaque année avec son ADN de fabricant d’articles d’équitation. Vous pouvez avoir le meilleur cheval du monde, si l’outil n’est pas bon, il sera moins performant. » Une conclusion qui s’applique à chaque maillon de la chaîne composant une écurie de saut d’obstacle.