Une vue d’ensemble du village de Baghouz, dans l’est de la Syrie, le dimanche 24 mars 2019. / GIUSEPPE CACACE / AFP

Des djihadistes du groupe Etat islamique (EI) cachés dans des tunnels se sont rendus, dimanche 24 mars, au lendemain de l’annonce de la chute de la dernière emprise territoriale de l’organisation ultraradicale dans le village de Baghouz, dans l’est de la Syrie. Au pied de la colline surplombant ce qui fut le dernier lambeau du « califat », une équipe de l’Agence France Presse (AFP) a pu voir des dizaines d’hommes avançant en file indienne sous une pluie fine pour grimper dans des camions.

« Ce sont des combattants de l’EI qui sont sortis des tunnels et se sont rendus aujourd’hui » dimanche, a indiqué à l’AFP Jiager Amed, un responsable média des Unités de protection du peuple (YPG). Cette milice kurde est l’épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS), qui ont mené la lutte contre l’EI au sol. Parallèlement, les autorités locales kurdes ont prévenu la communauté internationale du « danger » posé par les cellules dormantes de l’EI ainsi que par les « milliers » de djihadistes étrangers et leurs familles retenus en Syrie.

Il y a principalement des hommes dans la file quittant Baghouz : certains arborent des barbes fournies et sont emmitouflés dans d’épaisses « abayas » (manteaux traditionnels), d’autres portent sur la tête un keffieh rouge et blanc ou se cachent le visage avec ce foulard, ont pu voir, à distance, les journalistes de l’AFP. Les FDS leur ont toutefois interdit d’approcher ces hommes. « On ne connaît pas leur nombre. Il se peut qu’il y en ait d’autres cachés dans les tunnels », a ajouté M. Amed.

« Il faut qu’il y ait une coordination »

Après plus de six mois d’âpres combats, les FDS, soutenues par une coalition internationale conduite par les Etats-Unis, ont conquis, samedi 23 mars, la dernière poche de l’EI à Baghouz, près du fleuve Euphrate et de la frontière irakienne. Cette victoire a signé l’effondrement territorial du « califat » autoproclamé en 2014 par l’organisation jihadiste la plus redoutée au monde sur de vastes territoires à cheval entre la Syrie et l’Irak. L’EI avait été défait en décembre 2017 en Irak.

La ville de Baghouz est située à l’est de la Syrie. / CARTE LE MONDE

Dimanche, des bonbonnes de gaz et des bidons d’eau jonchaient le terrain âprement défendu par les djihadistes. Dans un ciel brumeux des entrepôts de munitions de l’EI brûlent, envoyant des panaches de fumée noire dans le ciel. Plus de 66 000 personnes ont quitté cette zone de l’est syrien depuis début janvier dont 5 000 jihadistes et 24 000 membres de leurs familles, selon les FDS.

Les combattants sont emprisonnés par les Kurdes, qui ont établi une administration semi-autonome dans le nord-est de la Syrie, tandis que les non combattants, notamment femmes et enfants, sont retenus dans des camps de déplacés. « Nous avons des milliers de combattants, d’enfants et de femmes originaires de 54 pays, sans compter les Syriens et les Irakiens », a souligné le chargé des affaires étrangères au sein de l’administration semi-autonome kurde, Abdel Karim Omar. « Il faut qu’il y ait une coordination entre nous et la communauté internationale pour faire face à ce danger », a-t-il martelé.

La question du rapatriement des djihadistes combattants, et même celle des enfants, divise les pays dont les ressortissants ont rejoint l’EI en Irak ou en Syrie. Si la France, pays occidental le plus touché par les attentats perpétrés au nom de l’EI, ou la Grande-Bretagne également frappée par des attaques, ont salué la fin du califat, le sujet des rapatriements reste très sensible. Selon un sondage publié fin février, 89 % des Français interrogés se disaient « inquiets » d’un éventuel retour des jihadistes adultes.