« It’s show time. » Sur les invitations envoyées à la presse, Apple n’a pas laissé planer le doute. Lundi 25 mars, au cours d’une présentation organisée à Cupertino (Californie), le groupe à la pomme doit dévoiler une plate-forme de streaming (lecture sans téléchargement) vidéo. Un concurrent potentiel de plus pour Netflix, le leader incontesté du marché déjà attaqué de toutes parts.

Les contours de cette future offre restent à préciser. Pour alimenter son catalogue de créations originales, Apple s’est attaché les services de plusieurs grands noms d’Hollywood : Steven Spielberg, Jennifer Aniston, Reese Witherspoon ou encore Damien Chazelle. La société américaine a également noué un partenariat avec Oprah Winfrey, la « papesse » de la télévision américaine.

Apple débarque sur un secteur en forte croissance, qui a généré en 2018 un chiffre d’affaires de près de 40 milliards de dollars

Apple débarque sur un secteur en forte croissance, qui a généré en 2018 un chiffre d’affaires de près de 40 milliards de dollars (environ 36 milliards d’euros), soit deux fois plus qu’en 2016, selon le cabinet IHS Markit. Un secteur aussi en pleine ébullition : aux Etats-Unis, Disney, WarnerMedia et NBCUniversal s’apprêtent à lancer leurs propres services de streaming. En France, TF1, France Télévisions et M6 se sont alliées pour créer une plate-forme commune, baptisée Salto. Et Canal+ commercialise depuis mi-mars une offre de séries.

Les concurrents historiques de Netflix ne sont pas en reste. Amazon a adopté une stratégie plus agressive, en signant, par exemple, un chèque de plus de 200 millions de dollars pour produire une série basée sur Le Seigneur des anneaux. Porté par le succès de sa série The Handmaid’s Tale (La Servante écarlate), Hulu a gagné en 2018 davantage de nouveaux abonnés aux Etats-Unis que Netflix.

Avec l’intensification de la compétition, « la croissance à long terme du nombre d’abonnés de Netflix pourrait être compromise », redoute Matthew Harrigan, analyste chez Buckingham Research. L’entreprise pourrait, en outre, perdre sa capacité à augmenter ses prix, comme elle l’a encore fait en janvier aux Etats-Unis sans susciter une vague de désabonnements.

La grande majorité des observateurs demeurent cependant confiants, alors que les offres de streaming gagnent de plus en plus de terrain face à la télévision payante : en France, Netflix compte désormais plus de clients que Canal+. « Il y a de la place pour deux ou trois acteurs », souligne Mark Mahaney, de RBC Capital. Un sentiment partagé par les dirigeants de Netflix : « Nous sommes davantage en concurrence avec Fortnite [le jeu vidéo le plus populaire du moment] qu’avec HBO », affirmait en janvier son patron, Reed Hastings.

Créations originales

A court terme, le risque pour Netflix est davantage de perdre une partie des contenus. Fin 2018, Disney, Warner, NBCU et Fox représentaient 20 % de son catalogue, selon les estimations du cabinet Ampere Analysis. En janvier, Disney a commencé à retirer ses films de la plate-forme, comme les épisodes récents de Star Wars et les dernières productions Marvel. En mars, le créateur de Mickey a, par ailleurs, finalisé le rachat de la majeure partie de Fox, dont les films et séries pourraient à leur tour quitter Netflix. D’ici à la fin de l’année, l’entreprise doit lancer aux Etats-Unis une offre baptisée Disney +, alimentée par son immense catalogue de productions internes. Elle prévoit aussi de proposer des contenus exclusifs. Et promet des prix « significativement inférieurs » à ceux de Netflix.

Warner et NBCU possèdent les droits de deux des trois programmes les plus populaires sur Netflix, respectivement Friends et la version américaine de The Office. Racheté en 2018 par le groupe de télécoms AT&T, le premier va lancer trois offres de streaming en 2019, qui devraient inclure Friends et les séries à succès de HBO, la grande chaîne câblée américaine. NBCU, propriété du câblo-opérateur Comcast, planche sur un service gratuit financé par la publicité. Mais il n’exclut pas de continuer à vendre ses contenus à ses futurs rivaux.

Face à cette nouvelle compétition, Netflix a accéléré sa politique de créations originales. Séries, films, émissions de télé-réalité, documentaires, talk-shows… : « Quasiment tous les contenus récents sont produits par Netflix », note Lottie Towler, analyste chez Ampere Analysis. D’après ce cabinet d’études, les contenus maison représentent désormais 85 % de ses dépenses. Leur part dans le catalogue est ainsi passée de 4 % à 11 % entre décembre 2016 et décembre 2018.