Surtout ne pas prononcer ce mot qui semble maudit aux yeux d’Europe écologie-Les Verts (EELV). Le terme « gauche » a été le grand absent de la présentation du programme du parti écologiste pour les élections européennes du 26 mai. Pas question, en effet, de rebuter les potentiels électeurs dans un scrutin qui s’annonce serré : les sondages sont plutôt bons et placent la liste EELV au coude-à-coude avec celle de La France insoumise.

La défection de Pascal Canfin, qui va rejoindre la liste de La République en marche, quelques jours après le député européen et ancien secrétaire national, Pascal Durand, ne semble pas, en revanche, les ébranler plus que ça. Au contraire, cela clarifie les choses : « C’est une faute lourde, une capitulation en rase campagne quand on considère que l’écologie est compatible avec ce que le gouvernement fait depuis 2017 », critique ainsi David Cormand, le chef des écolos.

« Ecocides et écocrimes »

EELV avait réuni la presse dans son tout nouveau local de campagne, dans le centre de Paris, non loin de la place de la République. Dans cet espace aux pierres apparentes, les écologistes ont détaillé les cinq « piliers » de leur « plan d’action pour l’Europe ». Intitulé « Qu’est-ce qu’on attend pour tout changer », il a été coordonné par François Thiollet et Marie Toussaint, en quatrième position sur la liste. Cette femme de 31 ans est l’initiatrice de « l’affaire du siècle » lancée par quatre organisations de protection de l’environnement qui ont décidé d’attaquer l’Etat pour « inaction climatique » et dont la pétition a réuni plus de 2,1 millions de signataires.

Pour EELV l’heure est grave : il s’agit de « sauver l’Europe pour sauver le climat ». La tête de liste, Yannick Jadot, ne cesse de le répéter : la force d’EELV réside dans leur « cohérence ». Dans ce livret programmatique, les écologistes défendent l’agriculture bio et la lutte contre les pesticides et prônent une nouvelle politique agricole commune. Mais, au-delà des sujets strictement écologiques, ils ont rendu une copie plus exhaustive. EELV est fédéraliste et défend ainsi une constituante européenne ; une haute autorité de la transparence pour lutter contre le poids des lobbys mais aussi la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne à l’échelle de l’Union européenne.

EELV met également en avant un « traité environnemental pour faire de l’écologie la norme juridique supérieure et pour tourner le dos à la logique productiviste des anciens traités ». Une justice environnementale devrait aussi être mise en place pour combattre les « écocides et les écocrimes ». De même, est promue la mise en place d’un « protectionnisme vert » avec une taxe carbone aux frontières et une interdiction progressive des produits issus de pays qui ne respectent pas la liberté syndicale. La lutte contre « l’Europe de la finance » et les paradis fiscaux figure également en bonne place dans le programme, avec, comme référente, l’ancienne magistrate Eva Joly. Karima Delli, eurodéputée sortante, a, quant à elle, défendu la mise en place d’une « banque européenne du climat et de la biodiversité ». Le but : injecter 100 milliards d’euros vers l’économie réelle et la transition écologique.

Autant de thèmes qui ancrent la campagne d’EELV à gauche. Pourtant, impossible de le faire dire à Yannick Jadot. Il préfère souligner que « l’écologie doit devenir le cœur du paysage politique européen et français. On ne se situe pas par rapport aux autres ». Stéphane Pocrain, compagnon de route de EELV et l’un des conseillers de la campagne européenne résume l’état d’esprit : « Quand on porte une nouvelle vision du monde, on n’est pas obligés de reprendre les cosmogonies anciennes. Mais nous ne sommes ni ambigus, ni ambidextres. »