A l’origine, le rendez-vous était prévu le 22 janvier, anniversaire du traité de l’Elysée, signé en 1963 par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Mais la décision d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel de signer ce jour-là, à Aix-la-Chapelle, un nouveau traité de coopération entre la France et l’Allemagne, a contraint les présidents de l’Assemblée nationale et du Bundestag, Richard Ferrand et Wolfgang Schäuble, à différer la première réunion de la nouvelle assemblée parlementaire franco-allemande, dont la séance inaugurale devait finalement se tenir, lundi 25 mars, à Paris.

L’idée d’une concertation plus étroite entre les deux Parlements n’est pas nouvelle. En 2003, lors du 40e anniversaire du traité de l’Elysée, le président Jacques Chirac et le chancelier Gerhard Schröder avaient déclaré vouloir « harmoniser [les] législations [des deux pays] dans les domaines principaux qui intéressent la vie [des] citoyens ». Il aura fallu attendre seize ans pour concrétiser cette ambition sur le plan institutionnel.

Constituée de cent députés, cinquante Français et cinquante Allemands, cette assemblée se réunira au moins deux fois par an, avec trois missions principales : transposer les directives européennes en termes identiques dans les deux pays ; veiller à ce que les objectifs inscrits dans le traité d’Aix-la-Chapelle soient atteints, notamment en matière de coopération transfrontalière ; appliquer les décisions prises chaque année lors du conseil des ministres franco-allemand. « Cette assemblée devra contrôler les deux exécutifs, elle sera une sorte d’aiguillon parlementaire », explique au Monde M. Ferrand.

Différend procédural

Des deux côtés du Rhin, la création de cette Assemblée a été largement approuvée. Le 11 mars, seuls cinq députés français ont voté contre : quatre membres du groupe La France insoumise (LFI) ainsi que Gilbert Collard (Rassemblement national). Au Bundestag, le 20 mars, 509 élus ont voté oui, 111 ont dit non et 25 se sont abstenus. Parmi ces 136 députés, la quasi-totalité du groupe Alternative pour l’Allemagne (extrême droite) et les trois quarts du groupe Die Linke (gauche radicale).

Pour ses opposants, ce nouvel organe porte atteinte aux souverainetés nationales et crée un « condominium franco-allemand », selon l’expression de Jean-Luc Mélenchon (LFI). Faux, rétorquent les défenseurs du projet. Cette Assemblée n’est pas « exclusive au couple franco-allemand mais a vocation à s’ouvrir le plus largement possible », assure M. Ferrand. « Les membres de cette Assemblée pourront proposer des résolutions communes, mais ce n’est que votées souverainement par les deux Parlements qu’elles pourront avoir force juridique », explique la députée Sabine Thillaye (La République en marche). Née en Allemagne, cette élue d’Indre-et-Loire est pressentie pour piloter le bureau de la nouvelle Assemblée aux côtés du conservateur Andreas Jung (CDU), président du groupe d’amitié Allemagne-France du Bundestag.

Comment travaillera au quotidien cette Assemblée ? Un point, notamment, reste à clarifier : la façon dont voteront ses membres. En raison des différences de mode de scrutin entre les deux pays, les députés LRM seront en effet surreprésentés par rapport à ceux de la CDU. Pour garantir leur influence, ces derniers souhaitent que chaque décision soit d’abord votée séparément par les élus de chacun des deux pays. Un procédé dont les Français ne veulent pas.

Ce différend procédural peut sembler anecdotique. Il n’empêche : la façon dont il sera tranché sera un bon indicateur de l’état d’esprit dans lequel la nouvelle Assemblée compte travailler. Autrement dit, si ses membres restent avant tout des Français et des Allemands ou s’ils sont prêts à faire passer au second plan les intérêts nationaux au profit d’une ambition résolument transnationale.