A Washington, le 23 mars. / Alex Brandon / AP

Editorial du « Monde ». Les principales conclusions du rapport Mueller consacré aux interférences prêtées à la Russie pendant la campagne présidentielle américaine de 2016, publiées dimanche 24 mars, ont apporté leur lot de bonnes nouvelles pour la démocratie américaine. Au terme d’investigations scrupuleuses, le procureur spécial a mis en évidence les machinations de Moscou, mais il n’a trouvé aucune preuve d’une conspiration ou d’une entente avec l’équipe de campagne de Donald Trump.

Cela aurait dû aller de soi. Le comportement souvent déconcertant du président, sa défiance vis-à-vis de ses propres services de renseignement et sa propension à croire sur parole Vladimir Poutine, aggravés par les mensonges avérés des conseillers qui l’entouraient alors, sans compter les multiples tentatives d’interférer dans l’enquête avaient pourtant fini par créer un halo de suspicion à la tête de l’Etat. Une atmosphère enfiévrée polluait la présidence. Ce processus de clarification spectaculaire était donc nécessaire.

Le procureur spécial Robert Mueller, en serviteur sourcilleux de l’Etat, l’a conduit de manière exemplaire. Il a montré ce faisant que les institutions du pays fonctionnent, en dépit du climat de polarisation, de clanisme et d’hystérie auquel Trump a contribué depuis son entrée en politique, même s’il est souvent en bonne compagnie. La démocratie américaine est débarrassée d’un doute à propos de la sincérité de l’élection de 2016, ce qui est heureux.

Trump n’en a pas fini avec la justice

Le procureur spécial n’a manifestement pas trouvé non plus de preuves d’une éventuelle obstruction de la justice dont se serait rendu coupable le président. Mais il a laissé le soin de trancher à son supérieur, le ministre de la justice, William Barr, qui a conclu par la négative, sans convaincre le Parti démocrate.

Insatisfait, ce dernier refuse en outre de se contenter de la synthèse tirée du rapport Mueller et réclame la publication intégrale du document. Cette demande est légitime. Il appartient désormais au même William Barr d’y répondre et de motiver sa décision sur la question de l’obstruction devant le Congrès, où il sera bientôt entendu, pour en finir une fois pour toutes avec cette affaire « russe ».

De son côté, toute à son triomphe, la Maison Blanche a été prompte à exiger des excuses « des démocrates et des médias » pour avoir présumé de la culpabilité du président. Elle serait en meilleure posture pour les chapitrer si elle faisait sienne l’équanimité demandée à propos de l’ancienne rivale démocrate du président, Hillary Clinton, à laquelle les fidèles du président continuent de promettre la prison à chaque meeting, alors qu’elle ne fait l’objet d’aucune poursuite. Et si le président, qui juge désormais « honorable » le travail de Robert Mueller, n’avait pas auparavant abreuvé ce dernier d’injures. Donald Trump, enfin, n’en a pas fini avec la justice, comme l’atteste une série d’affaires en cours.

Il fait peu de doute que de nombreux critiques du président ont espéré que le rapport tant attendu le fasse trébucher et qu’il soit empêché de se représenter en 2020. Les conclusions de Robert Mueller constituent pour eux un utile rappel à la mesure. Pendant l’élection présidentielle de 2016, l’équipe de campagne de Donald Trump et le candidat lui-même ne se sont certainement pas montrés exemplaires face aux menées subversives de la Russie, qui visaient, par tous les moyens, à affaiblir son adversaire. La justice n’a cependant pas à trancher les questions de morale. Ce jugement-là revient aux électeurs.