Marc-Antoine Pérouse de Montclos. / CAROLE FILIU-MOUHALI / IRD

Tribune. A la différence du modèle anglo-saxon, l’économie politique des revues de sciences sociales en France est très fragile. Beaucoup d’entre elles survivent difficilement et fonctionnent sur la base du bénévolat avec, parfois, un petit soutien financier de la part des institutions et des laboratoires de recherche. D’autres ont tout simplement disparu. Pour autant, le développement de l’économie numérique et l’évolution des médias d’information montrent qu’au-delà du simple commentaire de l’actualité, il existe encore un réel intérêt pour les analyses et les débats de fond.

L’Afrique, en particulier, retient l’attention, car elle est tout à la fois perçue comme un des derniers grands réservoirs de croissance économique de la planète, d’une part, et une menace démographique et migratoire, d’autre part. Les analyses des scientifiques et des spécialistes contribuent utilement à nourrir les débats en cours. Mais elles sont trop souvent confidentielles. Il faut donc penser à d’autres types de support qui, bien évidemment, incluraient les réflexions des chercheurs africains.

Désamorcer les représentations stéréotypées de l’Afrique

En ces temps de (mauvais) Brexit, il serait alors opportun d’envisager la création d’une revue franco-britannique, qui publierait chacun de ses numéros en français et en anglais. En tant qu’anciennes puissances coloniales, ces deux pays ont accumulé des connaissances inestimables sur l’Afrique. De plus, les décideurs anglo-saxons sont très demandeurs des réflexions des chercheurs français et africains francophones sur le continent. Mais la plupart ne savent pas lire la langue de Molière. Leur problème serait résolu par la publication d’une revue bilingue en partenariat avec des institutions de recherche américaines, britanniques, canadiennes et françaises.

Pour désamorcer les représentations stéréotypées de l’Afrique, il importe aussi de ne pas se limiter aux cercles de spécialistes. Une revue pluridisciplinaire et scientifique de qualité pourrait parfaitement développer sa diffusion en ouvrant certaines rubriques aux journalistes, aux experts et aux décideurs politiques et économiques. Elle serait disponible immédiatement et gratuitement en ligne, mais sans renoncer à la publication de beaux numéros papier agrémentés de photos, de dessins, de cartes, de graphiques, de BD. Les artistes africains ne manquent pas de propositions dans ce domaine.

Un tel projet coûterait plusieurs centaines de milliers d’euros par an. N’y a-t-il personne en France pour l’accompagner ?

Marc-Antoine Pérouse de Montclos est directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et ancien rédacteur en chef de la revue Afrique contemporaine.