Des Boeing 737 MAX sont parqués à Victorville, en Caliornie, 27 mars. / MARIO TAMA / AFP

C’est l’heure de vérité pour Boeing. Devant près de deux cents pilotes des 47 compagnies déjà clientes du 737 MAX, l’avionneur américain a présenté, mercredi 27 mars, une version corrigée de son logiciel anti-décrochage MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) mis en cause dans les deux catastrophes aériennes d’Ethiopian Airlines le 10 mars et de la compagnie indonésienne Lion Air le 29 octobre 2018 au large de Java, qui ont coûté la vie à 346 passagers et membres d’équipages.

Alors que les 737 MAX sont cloués au sol depuis le 13 mars par les autorités de l’aviation de par le monde, Boeing se doit absolument de regagner la confiance de ses clients comme des pilotes et des futurs passagers de ses avions. Comme prévu, l’avionneur n’a pas remis en cause le MCAS. Il lui a seulement apporté un correctif, un patch. Il faut dire que ce logiciel est indispensable pour faire voler l’avion. Il a été installé pour stabiliser le 737 MAX et compenser l’action des moteurs, certes moins gourmands en carburant mais aussi beaucoup plus lourds, plus puissants et plus volumineux. Ces derniers, positionnés plus en avant sous les ailes, ont tendance à relever le nez de l’avion. Pour y remédier, le MCAS, relié jusqu’ici à une seule sonde, contre trois chez Airbus, intervenait automatiquement malgré l’action des pilotes.

Selon Boeing, la mise à jour du logiciel, qui fonctionnera désormais avec deux sondes, ne permettra plus au dispositif de mettre l’avion en piqué. De plus, le MCAS ne pourra se mettre en marche qu’une seule fois pour laisser les commandes aux pilotes. A en croire l’avionneur, la mise à jour à pour objectif de « réduire la charge de travail de l’équipage dans des situations anormales et d’empêcher le MCAS de s’activer à cause de fausses données ».

Les 737 MAX

Enfin, comme le demandaient beaucoup de compagnies et de navigants, un voyant d’alarme, proposé jusqu’ici en option, sera installé sur tous les 737 MAX, ceux déjà livrés comme ceux qui restent à produire. Selon l’avionneur américain, l’installation de la mise à jour et de l’alarme ne devrait pas prendre plus d’une à deux heures par avion. De plus, l’avionneur s’est aussi engagé à former les pilotes à l’utilisation du MCAS. Avant les deux catastrophes, les pilotes n’avaient droit qu’à une simple information.

Mais Boeing n’est pas encore sorti de la crise. L’avionneur n’a d’ailleurs pas proposé de calendrier pour la reprise des vols du 737 MAX. Il sait qu’auparavant, il lui faudra convaincre toutes les autorités de l’aviation. Et c’est loin d’être gagné. La Chine, un des premiers pays à avoir interdit de vol l’avion, a ainsi suspendu le certificat de navigabilité de l’appareil. Le clouant de fait au sol. Les autorités chinoises de l’aviation, comme sans doute beaucoup d’autres, pourraient exiger plus de Boeing. Elles pourraient notamment obliger l’avionneur à placer une troisième sonde pour sécuriser le fonctionnement du MCAS. Surtout, échaudées par les deux crashs, elles pourraient considérer le 737 MAX comme un nouvel avion et non plus comme une simple version du 737 de première génération. Une approche plus prudente, qui aurait comme conséquence d’immobiliser au sol tous les 737 MAX pendant plusieurs mois.

Retard sur Airbus

Outre les problèmes techniques, c’est aussi sur le plan judiciaire que Boeing va devoir faire la preuve de sa bonne foi. Mercredi, Dan Elwell, responsable par intérim de l’Agence fédérale américaine de l’aviation (FAA), a été auditionné par une commission du Sénat des Etats-Unis. Il a dû se défendre d’une trop grande proximité avec Boeing à l’occasion de la certification du 737 MAX. Surtout, M. Elwell a tenté d’expliquer pourquoi l’agence a tardé à prendre la décision de clouer au sol les 737 MAX. Selon le quotidien américain Seattle Times du 26 mars, Boeing aurait fourni à la FAA une version corrigée de son dispositif MCAS dès le 21 janvier, soit près de sept semaines avant le crash de l’avion de l’Ethiopian Airlines. Outre le Congrès, le FBI avait déjà décidé, il y a une semaine, de s’associer à l’enquête sur les conditions de certification du 737 MAX.

Des voix reprochent déjà à Boeing d’avoir été trop vite en besogne pour rattraper son retard sur Airbus. Il est vrai que l’avionneur européen fait la course en tête sur le segment des avions moyen-courriers, avec plus de 60 % de parts de marché pour son A320neo. Un terrible revers pour Boeing, alors que, selon les prévisions, les compagnies auront besoin de près de 35 000 moyen-courriers dans les vingt ans à venir. Pour l’heure, l’avionneur américain n’est pas près de revenir au niveau de son rival. Pendant que les 737 MAX sont interdits de vol, Airbus a enregistré une commande chinoise de 300 appareils, dont 290 A320.

A n’en pas douter, la crise que traverse Boeing devrait lourdement frapper l’avionneur au portefeuille. Southwest Airlines, la plus importante compagnie américaine cliente du 737 MAX, a indiqué, mercredi, que l’immobilisation de l’avion conjuguée à une météo plus mauvaise que prévu lui avait déjà fait perdre près de 150 millions de dollars (133 millions d’euros). D’autres, comme la compagnie low cost Norwegian, dont la flotte compte dix-huit 737 MAX, ont déjà réclamé de fortes indemnités à Boeing.