Netflix, à la demande, spectacle

Plus c’est trash, plus ça marche. Si la comédienne américaine Amy Schumer n’est pas, loin s’en faut, la seule humoriste à avoir construit son succès sur un parler franc et décomplexé, il faut bien avouer qu’elle excelle dans l’exercice qui consiste à raconter sa vie – détails intimes compris – pour faire rire la galerie.

Chignon blond, robe large, bottes noires sur jambes nues, la star de Crazy Amy, première femme à entrer – en 2007 – dans le classement Forbes des comiques les mieux payés, revient sur scène le ventre rond pour un spectacle intitulé Growing. Comme « pousser », « grossir », mais aussi « grandir ».

Lire la critique de « Crazy Amy » : Amy Schumer en héroïne décomplexée

Elle y reprend les codes habituels du stand-up : scène vide à l’exception d’un tabouret, micro à la main. On se croirait dans un café du West Village, on est en fait au Chicago Theater, en décembre 2018, devant un auditoire conquis d’avance (rires sonores à chaque blague, « whoop whoop ! » quand le propos se fait politique).

La trentenaire, militante féministe en pointe sur la lutte contre le « bodyshaming », cette stigmatisation du physique, évoque sans la moindre gêne sa prise de poids, ses nausées, ses hémorroïdes, ses envies de vin et de sexe. Et n’hésite pas à soulever sa robe pour montrer les deux sparadraps collés sur son nombril « complètement déformé ».

Imperfections et complexes

Ceux que l’humour de femme enceinte ne touche pas plus que ça ne seront pas en reste. Amy Schumer reprend ses thèmes favoris : les relations amoureuses, notre corps et ses imperfections, nos complexes, mais aussi l’égalité hommes-femmes et l’émancipation de celles-ci.

Elle raconte ainsi son arrestation en octobre à Washington, lors d’une manifestation contre la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême. « On m’a demandé “pourquoi tu y es allée, tu es enceinte ?” Justement, je veux pouvoir dire à cet enfant que j’ai fait tout ce que je pouvais. » Et d’ajouter : « Et puis il paraît que la cocaïne est bonne à D.C. »

Même sur les sujets les plus sérieux, elle n’oublie jamais pourquoi elle est sur scène. Elle consacre ainsi un certain nombre de blagues à son mari, le chef Chris Fischer, dont elle révèle qu’il est atteint d’une forme d’autisme qui peut la mettre dans des situations embarrassantes. Comme souvent, les moments les plus drôles sont la plupart du temps les moins ragoûtants : Growing contient ainsi son quota de blagues sur les tampons et les coupes menstruelles (« Vous l’enlevez et là c’est Kill Bill dans la salle de bains »).

Philosophie du lâcher-prise

Avec un sens de l’autodérision poussé à l’extrême et surtout une philosophie du lâcher-prise à contre-sens du culte de la performance, Amy Schumer occupe la scène avec aisance – beaucoup plus que dans son précédent spectacle filmé pour Netflix, The Leather Special, dans lequel son jeu semblait un peu contenu, à l’instar de la combinaison ultra moulante qu’elle portait – et montre que, dans ce domaine, elle n’a rien à envier à un Jerry Seinfeld, passé maître dans l’art de suggérer toute une situation à l’aide de quelques gestes.

Les fans de la comédienne ne seront pas déçus par ce spectacle cru, engagé et, la plupart du temps, très drôle. On pourrait une fois de plus saluer sa liberté de ton si toute une génération de comiques, de Louis C.K. à Blanche Gardin en passant par Ali Wong n’étaient pas tout aussi irrévérencieux, voire davantage. Mais au milieu d’une offre pléthorique (le « stand-up comique politiquement incorrect » est une catégorie de recherche à part entière sur Netflix), Amy Schumer reste une valeur sûre.

Amy Schumer: Growing | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 01:35

Growing, spectacle de et avec Amy Schumer (EU, 2019, 55 min). www.netflix.com/fr