Le président chinois Xi Xinping, au Parlement chinois, à Pékin, le 12 mars 2019. / Andy Wong / AP

Son essai avait secoué le monde intellectuel chinois au cours de l’été 2018. Comme un révélateur du ressentiment ravalé par la plupart de ses confrères qui n’osent pas critiquer le pouvoir, il avait circulé abondamment sur WeChat, le réseau social dominant en Chine. Xu Zhangrun a été suspendu de ses fonctions de professeur de droit à la prestigieuse université Tsinghua de Pékin, qui a lancé une enquête disciplinaire contre lui lundi 25 mars.

Xu Zhangrun, lettré respecté, avait publié en juillet dernier un texte intitulé « Nos peurs et nos espoirs du moment », critiquant le président chinois Xi Jinping. L’intellectuel s’inquiétait de la dérive du régime vers un pouvoir personnel, après l’abolition de la limite à deux mandats pour le président, adoptée début 2018. « Je m’interroge : assistons-nous à la fin de l’ère des réformes et de l’ouverture, et à un retour vers un régime totalitaire ? », écrivait-il.

Think tank fermé

La sanction est un signal envoyé à toute la communauté intellectuelle. L’époque, pas si lointaine, où lui et d’autres pouvaient critiquer le système de l’intérieur, lors de colloques ou dans des articles, est révolue. Le think tank Unirule, institution libérale fondée il y a vingt-cinq ans pour alimenter les réflexions sur l’ouverture de la Chine, a été fermé l’été dernier.

Dans l’un de ses essais, publié en décembre par la version chinoise du Financial Times, Xu Zhangrun estimait que la période de progrès amorcée par Deng Xiaoping en 1978 avait pris fin en 2013, année de l’arrivée de M. Xi à la tête de l’Etat. « Xu a publié huit essais depuis l’an dernier. Le simple fait qu’il ait pu les publier malgré la censure montre que des gens haut placés, à l’intérieur du système, partagent son analyse », estime un chercheur proche de Xu. Il préfère rester anonyme mais dit partager la même vision : « La Chine devait s’ouvrir au monde, avoir une attitude bienveillante. Notre point de vue n’a pas changé, c’est la Chine qui a changé. »

Tous les secteurs de la société ont été mis au pas sous M. Xi. L’université n’a pas été épargnée. Des caméras ont été installées dans les salles de classe. Les enseignants qui s’éloignent de la ligne officielle sont convoqués, et toutes leurs équipes risquent d’être sanctionnées. Certains élèves dénoncent même leurs professeurs.

L’approche de dates sensibles aux yeux du pouvoir est peut-être pour quelque chose dans la suspension de M. Xu. Le 4 mai prochain marquera les 100 ans d’un mouvement de contestation étudiante, alors que le 4 juin sera l’anniversaire des 30 ans de la répression sanglante du mouvement de Tiananmen.