Une partisane du Brexit, à Londres, vendredi 29 mars. / DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Le 29 mars 2019 devait être leur grand jour, celui où le Royaume-Uni sortirait de l’Union Européenne. « Independence Day », avait annoncé Nigel Farage, l’un des charismatiques et controversés leaders pro-Brexit.

A la place de la célébration annoncée, les événements de ce vendredi ont davantage ressemblé à une profonde désillusion pour les partisans du « Leave ». A l’intérieur du Parlement, les députés ont une troisième fois rejeté l’accord négocié par Theresa May, par 344 voix contre 286. Théoriquement, ce rejet ouvre la voie à un « no deal » le 12 avril.

Mais la première ministre britannique a immédiatement reconnu que le Parlement ne la laisserait pas conduire le Royaume-Uni à une sortie sans accord. Elle envisage de repousser une nouvelle fois la date butoir, ce qui « nécessiterait presque certainement d’organiser les élections européennes » au Royaume-Uni. « Ce gouvernement va continuer à faire pression pour un Brexit ordonné », a-t-elle ajouté.

A l’extérieur du Parlement, l’ambiance chez les partisans de la sortie de l’Union européenne était morose. Nigel Farage avait annoncé une grande manifestation, après une marche de quinze jours arrivant de Sunderland, dans le nord-est de l’Angleterre. Mais seuls quelques milliers de personnes étaient présentes. La place devant le palais de Westminster était comble mais les rues voisines presque vides. Le contraste était saisissant avec l’immense défilé du samedi 23 mars, quand des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue pour réclamer un deuxième référendum.

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L’extrême droite devant Westminster

La démonstration de force des Brexiters était d’autant plus ratée qu’elle était scindée en deux. D’un côté se trouvait la marche menée par Nigel Farage. De l’autre, à moins de deux cents mètres de là, le UKIP, l’ancien parti dirigé par Nigel Farage, aujourd’hui un groupuscule en pleine dérive islamophobe, avait organisé un rassemblement. Des images de Tommy Robinson, leader d’extrême droite, étaient applaudies à tout rompre.

Pour les manifestants, les événements qui se déroulent au Parlement sont un déni de démocratie

Parmi cette foule, Matilda Watson, souriante et énergique, voit sur l’écran géant des images du maire de Londres, Sadiq Khan. « C’est un porc », réagit-elle. Comment cela ? « C’est un musulman et c’est un problème. Il veut interdire la vente du bacon. Je veux qu’il soit pendu et coupé en morceaux », déclare-t-elle, clairement satisfaite de ses paroles. A ces mots, sa sœur, Naomi Hamilton, mi-amusée et mi-choquée de ce coup de provocation, l’embrasse.

A proximité, David et Lise Pardey, qui ont fait le déplacement du Somerset, désapprouvent profondément ces propos. « Ces gens ont détourné notre manifestation, témoigne Lise. Je ne suis pas du tout à l’aise. » Pour eux, comme pour la majorité des manifestants sur place, les événements qui se déroulent au Parlement sont un déni de démocratie.

« C’est une trahison »

« C’est une trahison », estime Melvin Wysebad, petit drapeau de l’Union Jack à la main. Lui qui ne s’était jamais intéressé à la politique estime que le Brexit est « une chance unique ». Il est en colère mais aussi « un peu démoralisé ».

Beaucoup craignent que le Brexit n’ait finalement pas lieu, ou qu’il soit complètement vidé de sa substance. Le résultat du référendum de juin 2016, qui leur avait donné une voix, est en train de leur échapper, estiment-ils. « J’espère que le Brexit ne sera pas bloqué, mais s’il a lieu, il sera complètement dilué », estime Karen Davis, qui est venue de Bristol. « Notre démocratie est en danger. Le fait que le Brexit n’ait pas lieu aujourd’hui rend les Anglais furieux », explique Guy Brady, accent huppé et manteau de chasseur sur le dos.

« L’UE est en train de se venger de notre vote »

Gary, David, Rob, Kelvyn et un autre Gary, gros tatouages sur les bras et cheveux coupés ras, partagent ce sentiment. « L’UE est en train de se venger de notre vote. Au cours des siècles, nous avons battu les Français, les Portugais, les Allemands… C’est leur façon de prendre leur revanche. » Ils font aussi référence aux « gilets jaunes » français, dont ils approuvent l’action.

En arrivant sous les applaudissements, Nigel Farage a tenté de redresser le moral des troupes. « Aujourd’hui aurait dû être une journée de célébration. A la place, c’est une trahison, une des journées les plus tristes pour notre nation. Ils essaient de nous enfoncer, de nous faire disparaître. Mais est-ce que je suis démoralisé ? Non ! Je suis plus déterminé que jamais. Nous ne nous laisserons pas abattre. »

L’ex-leader du UKIP, désormais en froid avec son ancien parti, se raccroche à l’espoir du « no deal » le 12 avril. « Prions pour que ça se fasse ! Mais, j’en ai bien peur, la trahison sera probablement répétée le 12 avril. » Il prépare ses troupes, confirmant une nouvelle fois qu’en cas d’élections européennes, il se présentera sous l’étiquette de son nouveau parti. Nigel Farage, qui est député européen depuis 1999, interrogeait récemment ses collègues au Parlement, goguenard : « Voulez-vous vraiment me revoir à cet endroit ? »

Accord du Brexit rejeté : « Les conséquences seront lourdes », prévient Theresa May
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