Plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Avignon, samedi 30 mars, selon la préfecture, 2 000 selon les organisateurs. / BORIS HORVAT / AFP

A la veille du rendez-vous national en Avignon, lancé en début de semaine sur les réseaux sociaux pour l’acte XX des « gilets jaunes », chacun s’interrogeait sur la pertinence de ce choix et la motivation réelle des manifestants après quatre mois de mobilisation.

Samedi 30 mars, dès le début de la matinée, un premier élément de réponse fut donné : les appels à converger en nombre vers le chef-lieu du Vaucluse circulaient avec une certaine frénésie sur la Toile tandis que l’on apprenait que les barrières autoroutières de l’A7 et de l’A9 étaient déjà relevées.

C’est pourtant vers une cité fermée à double tour que les manifestants se sont dirigés. La préfecture et la mairie avaient largement anticipé le rassemblement, d’abord en l’interdisant, ensuite en déployant un nombre important de membres des forces de l’ordre (CRS, gendarmes mobiles, brigade d’intervention de la sécurité publique départementale renforcée de personnels extérieurs), enfin en bouclant hermétiquement l’accès au centre-ville de la cité des Papes.

Des mariages déplacés

Pas de quoi faire le bonheur des commerçants, même le matin bien avant l’heure prévue du rassemblement interdit, à midi. Parkings intérieurs et circulaires fermés. Idem pour les espaces et services publics (gare centrale, musées, jardins, lignes de bus). Les mariages prévus ce samedi ont été déplacés à la mairie annexe du hameau de Montfavet à une dizaine de kilomètres de l’hypercentre. Même la circulation fluviale sur le Rhône a été suspendue par le préfet, tout comme la vente d’alcool, de pétards ou de tout produit inflammable.

Dans une ville barricadée, en quasi état de siège, l’objectif des autorités était donc de contenir les manifestants à l’extérieur des remparts sud. A l’inverse, le but des « gilets jaunes » était de s’extraire de cette nasse pour s’infiltrer à l’intérieur de la ville.

A la mi-journée, sur la place du Palais des papes, on comptait autant de passants – « gilets jaunes » ou non – et de touristes que de membres des forces de l’ordre. Soit une trentaine de chaque côté. C’est un peu plus bas, place de l’Horloge, que le gros des troupes – une centaine de manifestants qui avait franchi le filtrage policier – a été stoppé. Les premiers chants et slogans anti-Macron ont alors retenti dans un ambiance qui, durant une demi-heure, restera bonne enfant.

Des journalistes pris à partie

La première, puis la seconde sommation à se disperser, est alors tombée. Ont suivi des cris de protestation puis des frictions, jusqu’à ce que les CRS fassent refluer sans ménagement les manifestants par la rue Saint-Agricol et les rejeter ainsi extra-muros. On déplorait alors deux blessés : un homme touché à la tête par un coup de matraque et une jeune femme prise dans la bousculade.

« Elles chantaient, elles dansaient, et ils ont tapé les gonzesses au premier rang. C’est une honte ! Aujourd’hui, je me découvre gilet jaune », hurle en direction des policiers un homme d’une quarantaine d’années.

Cette technique d’isoler des groupes de manifestants arrivés en ordre dispersé sera suivie tout au long de l’après-midi.

Cette fois sur les boulevards extérieurs avec deux points de tension. D’abord devant la porte Thiers, où les premières grenades lacrymogènes ont été tirées contre deux à trois cents manifestants, dont quelques-uns s’en sont pris à deux équipes de télévision, celle de France 3 et celle de BFM TV, expulsées du rassemblcement aux cris de « collabo ».

Une autre échauffourée plus musclée a eu lieu un peu plus tard devant la porte Thiers, avec l’entrée en scène d’une dizaine de manifestants encagoulés et vêtus de noir. Ces derniers ont attaqué les policiers qui leur barraient l’accès à coup de projectiles divers. Ils ont là aussi été dispersés par des grenades lacrymogènes.

Le baroud d’honneur de la journée a eu lieu vers 17 heures devant la porte du boulevard de la République, solidement tenue par la police, où les derniers tirs de lacrymogènes ont achevé de disperser un cortège de « gilets jaunes » qui s’était déjà fortement étiolé.

« Marre de ces samedis »

Au final vingt-et-une personnes ont été placées en garde à vue pour des destructions, des violences ou des ports d’arme. Et plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la cité des Papes selon la préfecture, 2 000 selon les organisateurs. « Le bilan de cette journée à Avignon s’élève à trois blessés légers, dont un policier de la DDSP 13, venu en renfort et 4 CRS contusionnés », a ajouté la préfecture dans un communiqué.

Sans doute bien aidé par la configuration du site que ce soit à l’intérieur et à l’extérieur des remparts, l’interdiction de manifester voulue par le préfet Bertrand Gaume et la maire d’Avignon Cécile Helle, a été scrupuleusement respectée... par les forces de l’ordre « dont la très grande mobilité a permis d’anticiper les déplacements des gilets jaunes », ont affirmé les autorités locales.

Leur répondait, comme en écho, les mots d’un retraité avignonnais captés entre deux jets de grenades et les effluves de lacrymo : « Marre de ces samedis, pour eux, les gilets jaunes, pour nous, et même pour les policiers. »