Plusieurs centaines de personnes ont défilé dans les rues d’Eaubonne (Val-d’Oise), dimanche 31 mars, pour rendre hommage à Jean Willot, un professeur des écoles qui a mis fin à ses jours le 15 mars deux jours après avoir été visé par une plainte déposée par une mère de famille pour « violence aggravée sur mineur ». Enseignants, élèves, parents… 1 700 personnes étaient présentes à cette marche blanche, selon Le Parisien – leurs banderoles et tee-shirts affichant le même slogan : « Plus jamais ça ! »

L’instituteur de 57 ans était visé par une plainte d’une mère d’élève, déposée le 13 mars, qui dénonçait des violences que l’enseignant aurait exercées, quelques jours plus tôt, sur son fils de 6 ans, scolarisé dans la classe de cours préparatoire (CP) de M. Willot. Selon les informations du Parisien, ces violences présumées auraient été très légères : à la récréation, Jean Willot aurait demandé à l’élève de ne pas rester assis sur une marche d’escalier. Ce dernier aurait refusé et le professeur aurait alors dû le prendre par le bras pour lui faire descendre les marches. Une version que conteste la famille Willot, qui parle d’une simple punition verbale sans rapport physique.

Le 14 mars, M. Willot apprenait l’existence de cette plainte par la direction de l’école et sa convocation à l’inspection académique du Val-d’Oise. Le lendemain, il mettait fin à ses jours en forêt de Montmorency. Dans un mot laissé à l’intention de ses proches, il confiait ne pas supporter les accusations et affirmait son innocence. Ses obsèques ont eu lieu le 21 mars.

« Etouffer l’affaire »

Depuis, enseignants, parents, habitants d’Eaubonne, leur maire (LR), Grégoire Dublineau, s’insurgent contre cette plainte, rendue de fait caduque par la mort de la personne visée. « C’est inadmissible, intolérable. Il faut retrouver le sens du respect dans ce pays, celui de nos institutions. Les enseignants sont particulièrement exposés. Cette contestation, pour un oui pour un non, me révolte », a réagi M. Dublineau dans Le Parisien.

Dans les médias, l’instituteur est décrit comme très investi dans le travail, apprécié de ses collègues, à l’écoute, calme et bienveillant avec ses élèves. Sur les réseaux sociaux, les témoignages et réactions à ce drame se multiplient. Un hashtag demande une #uneminutedesilencepourjeanwillot. Une bande dessinée a même été réalisée sur cette affaire pour « mettre des mots sur cette histoire, afin qu’elle ne tombe pas trop vite dans l’oubli », alors qu’il est reproché à la hiérarchie d’avoir tendance à « étouffer l’affaire ».

Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, et la rectrice de l’académie de Versailles, Charline Avenel, ont exprimé leur soutien aux proches de Jean Willot et à la communauté éducative.

Protection de l’Etat

Un groupe Facebook d’enseignants a lancé une pétition en ligne demandant « la protection de l’Etat », en l’occurrence de permettre « au parquet de poursuivre les parents d’élèves concernés pour dénonciation calomnieuse contre des enseignants » : « Devant la multiplication de ces plaintes qui entachent très gravement la relation enseignant-parent, qui nuisent à la qualité de notre travail, et qui peuvent engendrer de graves conséquences négatives à titre personnel, nous souhaitons une réaction forte de l’Etat, notre employeur », peut-on y lire.

« Ce qu’on souhaite, c’est que les gens qui portent plainte abusivement soient mis face à leur responsabilité. Notre institution, en cas de professeurs blanchis, devrait se retourner contre les accusateurs », a détaillé Olivier Flipo, délégué du Syndicat des enseignants-Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) du Val-d’Oise dans les colonnes du Parisien, regrettant que les plaintes de parents contre les enseignants « se banalisent » : « Quand ça arrive, le professionnel est tout de suite mis de côté, sans soutien de sa hiérarchie. Et quand l’enseignant est blanchi, il retourne travailler et c’est fini. »