Face au harcèlement à l’Assemblée nationale, les députés attendaient des clarifications. La déontologue du Palais-Bourbon Agnès Roblot-Troizier a été auditionnée mercredi 3 avril sur la question du harcèlement moral et sexuel par le groupe de travail sur les conditions de travail et le statut des collaborateurs parlementaires. La veille, 26 députés avaient adressé une lettre au président de l’Assemblée, Richard Ferrand, pour appeler à une meilleure protection des collaborateurs parlementaires sur ce sujet sensible, s’appuyant sur une étude du collectif Chair collaboratrice publiée en mars.

Ce sondage informel révélait que la moitié des 137 collaborateurs et collaboratrices parlementaires qui ont participé à l’étude disent avoir été victimes ou témoins de blagues sexistes, tandis qu’un sur cinq reconnaissait avoir subi une agression sexuelle dans l’enceinte de l’Assemblée.

La clause de loyauté levée

A la suite de cette publication, le collectif avait demandé la mise en place de trois mesures : le gel de la clause de loyauté qui empêche un collaborateur de nuire à son employeur en cas de dénonciation de situation de harcèlement, la mise en place d’une cellule d’écoute indépendante à l’Assemblée, et la possibilité pour cette dernière de saisir le procureur de la République, en cas d’accord avec la victime.

« Nous traitons en priorité les personnes victimes de harcèlement, a expliqué la déontologue mercredi. Mais nous le faisons avec les moyens dont nous disposons. »

Soit ceux d’une fonction qui doit également répondre quotidiennement à de multiples autres questions relatives à la déontologie des députés. « Il ne faut pas se contenter de confier à une ou deux personnes tous les cas de harcèlement », a ajouté Agnès Roblot-Troizier, qui se charge avec sa collègue Marianne Brun, référente harcèlement, de recevoir tous les témoignages de ce type.

C’est justement pour optimiser ces réponses que Chair collaboratrice et une trentaine de députés réclament la création d’une cellule d’écoute indépendante et plus fournie. Répondant à cette demande, la déontologue ne voit « pas d’inconvénient » à la mise en place de celle-ci. A condition qu’elle possède « plus de moyens » et qu’elle soit « plus globalement chargée des questions de souffrance au travail ». Pour la déontologue, cette cellule externalisée devrait, idéalement, être composée « de psychologues, de médecins et de spécialistes du droit du travail ».

« Il faut qu’on fasse plus et mieux sur le sujet »

Concernant le gel de la clause de loyauté, autre revendication mise en avant mardi dans le courrier des députés, Agnès Roblot-Troizier a tenu à préciser que celle-ci « sautait en cas de harcèlement dans une relation de travail ». Enfin, la mise en place de « formations obligatoires » pour tous les élus – une demande spécifique des députés – n’est pas à exclure, la déontologue rappelant que ce type de sensibilisation imposée existe déjà « pour les membres du Congrès » aux Etats-Unis.

Ces précisions rassurent les députés qui plaident pour une accélération et une multiplication des mesures anti-harcèlement. La députée La République en marche (LRM) Claire Pitollat rappelle tout de même que rien n’est encore en place : « Il faut qu’on pousse pour que ces mesures soient réalisées rapidement », explique-t-elle. De son côté, Matthieu Orphelin, premier signataire du courrier envoyé mardi à Richard Ferrand, souligne l’urgence de la situation :

« Tout le monde sait qu’il faut qu’on fasse plus et mieux sur le sujet, qu’on soit encore plus exemplaire ici qu’ailleurs. »

L’élu du Maine-et-Loire, qui a quitté le groupe LRM en février, souhaite « une réponse politique et transpartisane » au préalable. « Richard Ferrand a directement accusé réception de notre lettre, avoue-t-il. J’espère que le bureau de l’Assemblée mettra le harcèlement à l’ordre du jour d’une prochaine réunion. » Le rapport du groupe de travail traitant du harcèlement à l’Assemblée devrait, lui, être publié en juin.

Paul Idczak