Bruno Le Maire est entré en campagne. Trois mois après la sortie de Paul. Une amitié (Gallimard, 160 pages, 10,99 euros), récit personnel d’une amitié forte et spirituelle qui s’est achevée dans la douleur de la mort et de la maladie, le ministre de l’économie et des finances publie un nouvel ouvrage à la tonalité purement politique, cette fois : Le nouvel empire (Gallimard, 112 pages, 10 euros). « Un livre de volontarisme politique et d’ambition pour l’Europe », comme l’a décrit lui-même M. Le Maire, mardi 2 avril, lors d’une conférence de présentation de l’ouvrage organisée à la Maison des centraliens, à Paris.

Ecrit, raconte-t-il, « pendant les vacances de l’hiver 2018-2019 », ce court opuscule d’une centaine de pages vise à exalter l’ambition d’un « nouveau projet européen », d’un « empire européen puissant, respecté et souverain » qui ne se trouverait « pas broyé comme une noix entre la puissance américaine et la puissance chinoise ».

Dans la droite ligne de l’opposition entre « progressistes » et « nationalistes » développée par la liste de la majorité en vue des élections européennes du 26 mai, M. Le Maire met en garde contre le risque d’implosion de l’Union européenne. « Pour la première fois, le projet européen peut disparaître, estime-t-il. Le Brexit, comme tout le monde dans cette salle, je n’y ai jamais cru jusqu’au moment où ça s’est produit. Les nationalismes, c’est pareil. »

« Dette vis-à-vis du peuple français »

L’ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes (2008-2009) refuse pour autant de rompre avec l’Europe de l’Est et certains de ses gouvernements illibéraux. Car, tout en soulignant l’importance du respect de l’Etat de droit, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy appelle à prendre en compte « l’inquiétude des peuples sur la question migratoire, sur les frontières, sur leur culture », ainsi que « la peur de disparaître [qui habite] certains peuples ».

De la même manière, celui qui a voté en faveur du traité de Lisbonne, en 2008, reconnaît que les dirigeants français ont « une dette vis-à-vis du peuple français » pour le « contournement par la voie parlementaire » de leur rejet du traité constitutionnel européen par référendum, en 2005. Pas question, pour autant, de se lancer dans une hasardeuse consultation des Français sur le sujet pour se faire pardonner : l’exemple britannique est dans toutes les têtes.

Pourquoi se mobiliser aujourd’hui sur la question européenne alors que rien dans ses fonctions ministérielles n’oblige M. Le Maire à le faire ? Certains de ses anciens camarades au sein du parti Les Républicains l’assurent : « Il se rêve un destin de commissaire européen, à la Michel Barnier. » L’intéressé se défend d’une telle ambition, alors que l’équipe dirigée par Jean-Claude Juncker doit être renouvelée à l’automne. « J’ai une ambition européenne mais c’est une ambition pour le projet européen, ce n’est pas une ambition personnelle, assure-t-il. Je suis ministre de l’économie et des finances, très heureux de la mission qui m’a été confiée et très déterminé à la mener jusqu’au bout. »

Cela n’a pas empêché l’intéressé de participer aux dernières tractations qui se sont tenues à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron pour constituer la liste de la majorité. Le locataire de Bercy, adhérent de La République en marche (LRM), participera par ailleurs à « tous les meetings nécessaires pour défendre cette liste, pour défendre Nathalie Loiseau ». Le 25 avril, l’ancien espoir de la droite montera même sur l’estrade du Cirque d’Hiver pour débattre du sujet européen avec le polémiste Eric Zemmour à l’occasion d’un événement organisé par le très droitier hebdomadaire Valeurs actuelles. L’Europe vaut bien quelques frissons.