La découverte, lundi 1er avril, en Haute-Corse, de charges explosives devant des bâtiments des finances publiques, à trois jours de la visite du chef de l’Etat sur l’île, interroge sur la possible résurgence d’une violence politique qui a quasiment disparu depuis le dépôt des armes, en juin 2014, par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), la principale branche armée de la mouvance nationaliste.

La première a été trouvée, avant l’ouverture des bureaux, devant le centre des finances publiques du cap Corse, en périphérie de Bastia, par un agent du Trésor public. Le dispositif, qui n’a pas explosé, était composé d’un explosif à usage militaire. La seconde, qui n’a pas non plus explosé, a été découverte, en début d’après-midi, devant la direction départementale des finances publiques, dans le centre de Bastia. La section antiterroriste du parquet de Paris a été saisie de l’enquête.

Tentatives pas revendiquées

Mercredi matin, les deux tentatives n’étaient toujours pas revendiquées. Les enquêteurs n’ont pas relevé de messages sur les murs des bâtiments ou sur les réseaux sociaux permettant de rattacher ces faits à un groupe ou à un message politique. Des questions restent, par ailleurs, ouvertes sur le caractère délibéré de la non-explosion des engins. « La confection de ces bombes est l’œuvre de bricolos, mais il reste à déterminer s’ils ont fait exprès de ne pas les faire exploser ou si cela est le fait de leur amateurisme », confie une source proche de l’enquête.

L’île a, par ailleurs, connu une recrudescence des destructions de résidences secondaires appartenant à des personnes vivant sur le continent.

L’île a, par ailleurs, connu une recrudescence des destructions de résidences secondaires appartenant à des personnes vivant sur le continent. Au cours du week-end, une maison a été détruite à Sagone, en Corse-du-Sud. Une autre, en construction, a été en partie démolie à Venzolasca, en Haute-Corse. Dans la nuit du 9 au 10 mars, six résidences avaient été visées par des explosions non revendiquées. Les investigations ont été confiées à la justice insulaire, laissant supposer qu’il ne s’agirait pas dans ces cas d’actes à connotation politique.

Interrogé par Le Monde sur les deux tentatives contre le Trésor public, le parquet de Bastia a indiqué que « rien ne permet, pour l’heure, d’affirmer qu’il y a un retour de la violence politique ». Néanmoins, les hypothèses des enquêteurs raccordent ces faits à des considérations politiques. En effet, en dépit de la fin des actions clandestines, certains ex-dirigeants de la branche armée indépendantiste pourraient avoir eu recours à cette manifestation de violence « de basse intensité » pour mettre la pression sur le gouvernement quelques jours avant la visite d’Emmanuel Macron. Une tactique qui, avec d’un côté l’affichage d’une volonté de dialogue avec l’Etat et de l’autre le recours à des actions non revendiquées, a été utilisée maintes fois au cours de l’histoire des relations mouvementées entre les groupes nationalistes et les pouvoirs publics.

Menace à peine voilée

Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, a affirmé qu’il craignait « la résurgence de la logique de conflit », ajoutant qu’il était « de [leur] devoir commun, en Corse comme à Paris, de rompre cette spirale funeste, d’ouvrir enfin un réel dialogue ». Une menace à peine voilée qui sonne, pour l’Etat, comme un chantage à la violence et, pour la coalition nationaliste qui dirige la Corse depuis 2015, comme le moyen de créer un rapport de force.

Les enquêteurs envisagent également la piste d’une radicalisation échappant au contrôle de la coalition nationaliste au pouvoir. Le mécontentement gronde en effet au sein d’une partie des militants nationalistes. Les difficultés et la réalité de la gestion d’une collectivité de 360 000 personnes ont refroidi les rêves de « grand soir » de l’indépendantisme insulaire et les changements tardent à voir le jour. Une impatience que certains chefs indépendantistes en rupture de ban pourraient récupérer à leur profit.

Pour Jean-Christophe Angelini, leader du Parti de la nation corse (PNC, autonomiste), l’une des trois formations de la coalition au pouvoir, « cette violence restera sporadique et vise, avant tout, l’action de l’Etat, dont l’attitude vis-à-vis de la Corse est suicidaire, mais il faut aussi entendre le message interne qui [leur] est adressé, à savoir que le temps du dialogue convenu est révolu ».