Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, lors d’une conférence de presse suivant l’ouverture d’un nouveau cas d’infraction contre le gouvernement polonais, le 3 avril à Bruxelles. / Virginia Mayo / AP

La question du respect de l’Etat de droit dans les pays membres de l’Union est décidément inscrite pour longtemps à l’agenda européen. Alors que sept procédures sont déjà en cours contre plusieurs capitales, Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission de Bruxelles, a annoncé, mercredi 3 avril, l’ouverture d’un nouveau dossier concernant, cette fois, la Roumanie.

Ferme à l’endroit de la Hongrie ou la de Pologne, le Néerlandais était, en revanche, montré du doigt par ses adversaires – il conduira la liste des socialistes européens pour les élections de la fin mai – en raison de sa prétendue indulgence vis-à-vis de Bucarest, où gouvernent des sociaux-démocrates. La Roumanie apparaît pourtant de plus en plus comme une autre vitrine de l’« illibéralisme » en Europe de l’Est. Mercredi, M. Timmermans s’est vigoureusement défendu de toute approche partisane.

La Commission, a-t-il dit, usera de « tous les moyens à sa disposition » pour contester une réforme du système judiciaire envisagée par Bucarest. Celle-ci réduirait notamment les délais de prescription pour de nombreux délits, et s’appliquerait entre autres au chef de file des sociaux-démocrates, Liviu Dragnea. Selon Bruxelles, la réforme pourrait créer, « de facto une impunité systémique pour les hauts responsables politiques condamnés pour corruption ». Et si le gouvernement roumain persiste, « la Commission réagira avec force, immédiatement, en quelques jours, avec tous les moyens à sa disposition ».

« Risque de violation des valeurs communes »

Les autorités roumaines répliquent en évoquant des questions de souveraineté nationale et évoquent la nécessité de corriger les « abus » de magistrats accusés d’avoir organisé un « Etat parallèle ». La première ministre, Viorica Dancila, avec laquelle la Commission aurait discuté de quarante points litigieux, s’est, elle, déclarée « surprise » par les propos de Bruxelles tandis que plusieurs ambassades (française, allemande, américaine…) ont, dans une démarche inhabituelle, signalé que les changements envisagés présentaient « un risque de violation des valeurs communes ».

Bucarest est, par ailleurs, dans le viseur de Bruxelles après l’inculpation de Laura Codruta Kövesi, ancienne responsable du parquet anticorruption roumain, soutenue par le Parlement de Strasbourg pour devenir la dirigeante du futur parquet européen, à Luxembourg. Elle a été placée sous contrôle judiciaire au début de la semaine pour des faits présumés de corruption. M. Timmermans disait, mercredi, admirer le « courage » de cette « juriste de très très haute qualité », jugeant important qu’elle puisse présenter sa candidature. Est-ce un effet de la fermeté affichée par Bruxelles ? Mercredi soir, la Haute Cour de justice roumaine levait, en tout cas, le contrôle de la procureure, désormais autorisée à voyager.

La Commission a, par ailleurs, annoncé dans la foulée l’ouverture d’un nouveau cas d’infraction, contre le gouvernement polonais cette fois. Bruxelles cible le régime disciplinaire des juges, récemment adopté, qui risque de les soumettre « systématiquement » à un contrôle politique.

D’autres initiatives

M. Timmermans souligne que certains magistrats sont déjà visés par des enquêtes disciplinaires parce qu’ils ont participé à des débats sur les réformes impulsées par le gouvernement ultraconservateur. Celles des tribunaux ordinaires et de la Cour Suprême ont entraîné la saisine, par Bruxelles, de la Cour de justice de l’Union, tandis qu’une procédure consécutive au déclenchement de l’article 7 du traité de l’UE, à la fin de 2017, est toujours en cours.

La Hongrie de Viktor Orban est un autre Etat déjà visé par cette procédure exceptionnelle qui peut, en théorie, priver un pays de ses droits de vote au Conseil de l’Union. En théorie, parce qu’elle suppose une approbation à l’unanimité par les Vingt-Huit et que les « illibéraux » ont promis de s’apporter un soutien mutuel.

M. Timmermans annonce, en tout cas, d’autres initiatives pour protéger, dit-il, la démocratie, la justice et la liberté des médias. Certaines sources soulignent la nécessité de sanctions financières, via l’affectation des fonds européens. Un projet belgo-allemand vise quant à lui à instaurer une revue périodique de l’Etat de droit dans les pays membres. « Sur une base volontaire », histoire de piéger ceux qui refuseraient de se soumettre à l’examen et se désigneraient, du coup, comme des coupables.