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Tourné en 1967, Police sur la ville marque un moment particulier de l’histoire du cinéma américain. Le réalisateur Don Siegel, ancien monteur de la Warner, célèbre pour son classique de la science-fiction L’Invasion des profanateurs de sépultures (1956) et quelques remarquables et brutaux films noirs – The Lineup (1958), A bout portant (1964) – se voit proposer, par le producteur Frank Rosenberg pour la compagnie Universal, la réalisation d’un scénario adapté d’un roman de Richard Dougherty et écrit par Abraham Polonski (longtemps mis sur la liste noire d’Hollywood) et Harold Rudman.

Le tournage ne se fera pas sans complications. Siegel se heurte plus d’une fois à Frank Rosenberg, producteur interventionniste, cherchant à se mêler personnellement de plusieurs aspects de la réalisation, du choix des costumes à celui des décors. Le cinéaste sera même contraint de demander à Lew Wasserman, alors à la tête d’Universal, un arbitrage sur le choix d’un lieu de tournage.

Le film se veut une approche réaliste de la vie de policiers new-yorkais à la faveur d’une intrigue ramassée sur trois jours. Le récit détaille l’odyssée de deux flics (Richard Widmark et Harry Guardino) ayant quarante-huit heures pour retrouver le truand qui leur a échappé en leur prenant leurs armes de service. On s’attache, parallèlement, à un préfet de police (Henry Fonda) confronté à un cas de corruption, inflexible sur les questions de morale quoiqu’entretenant une relation avec une femme mariée.

Tournage dans les rues de New York

Police sur la ville témoigne de la volonté d’introduire une certaine complexité psychologique et morale dans la peinture des caractères tout autant que de décrire un monde débarrassé, pour le meilleur et pour le pire, de certaines conventions et garde-fous éthiques que l’époque jetait aux oubliettes. Adultère et corruption constituent des tentations auxquelles des personnages faillibles succombent parfois.

La densité de réalisme est provoquée par le choix d’un tournage en extérieur dans les rues de New York où l’équipe s’était rendue, à ses risques et périls car elle a été attaquée par des gangs locaux. Mais cette option trahissait le fait que le cinéma hollywoodien était lui-même en train de se convertir à une certaine modernité cinématographique venue d’ailleurs, des nouvelles vagues européennes, même si la tentation hollywoodienne des tournages hors des studios, en décors naturels, s’était déjà manifestée dans le passé. Le producteur Mark Hellinger, à la fin des années 1940, s’était fait une spécialité des films noirs réalisés en milieu urbain et ses productions peuvent être légitimement tenues comme les ancêtres de Police sur la ville.

Mais si le film de Don Siegel marque si bien le passage d’une époque à une autre, c’est que les scènes d’intérieur, tournées dans les studios d’Universal à Los Angeles, contrastent particulièrement avec celles tournées dans les rues. Le décor clame désormais, par un effet de contraste tout autant que consécutivement à un changement de regard des spectateurs, son artificialité et une théâtralité, qualités renvoyant dès lors à une esthétique télévisuelle. L’ancien qui ne veut pas mourir et le nouveau qui cherche à naître décrivent bien ce moment d’un cinéma américain en pleine mutation.

Bande-annonce (Trailer) Police sur la ville (VOSTFR / HD)
Durée : 02:51

Film américain de Don Siegel. Avec Richard Widmark, Henry Fonda, Inger Stevens (1 h 41). DVD/Bluray Elephant Films