L’ancien PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, à Tokyo, le 3 avril. / KYODO / REUTERS

Carlos Ghosn n’en a décidément pas fini avec la justice japonaise. Un mois à peine après avoir été remis en liberté, l’ex-patron de Renault-Nissan a été de nouveau arrêté jeudi 4 avril, à Tokyo, et placé en garde à vue, ouvrant un quatrième front judiciaire dans un dossier qui ne manquait déjà pas de rebondissements, et qui s’ajoute à l’enquête préliminaire ouverte en France.

  • La nouvelle affaire japonaise : un détournement de fonds suspecté

Carlos Ghosn a de nouveau été placé en garde à vue, jeudi, pour « abus de confiance aggravé ». Il est soupçonné d’avoir détourné à son profit personnel une partie de sommes versées par Nissan à Suhail Bahwan Automobile, le concessionnaire Renault-Nissan du sultanat d’Oman. « Le suspect a trahi sa fonction [de patron de Nissan] pour en tirer des bénéfices personnels », a précisé dans un communiqué le bureau des procureurs japonais.

Officiellement, les versements correspondaient à des « primes de performance », des sommes prises en charge par les constructeurs permettant aux distributeurs de proposer des rabais à leurs clients. Seulement, l’argent versé au concessionnaire ne viendrait pas des comptes de Nissan, comme cela aurait dû être le cas, mais d’une enveloppe mise à la disposition de M. Ghosn par le constructeur nippon et baptisée « réserve du PDG ».

Selon des sources proches de l’enquête, une partie des montants envoyés à Oman aurait transité par le biais d’un fonds d’investissement libanais, Good Faith Investments, dont l’un des actionnaires serait un ami d’enfance de M. Ghosn. Le fonds en question serait géré par un dirigeant du concessionnaire omanais. Selon l’accusation, l’argent détourné aurait alimenté le compte d’une société dont Carole Ghosn, l’épouse de l’ex-dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, était représentante.

Les sommes détournées auraient servi, entre autres, à l’acquisition d’un yacht de luxe, et au financement de Shogun, une start-up installée à San Francisco et créée par Anthony Ghosn, le fils de l’ex-PDG. Shogun a nié ces allégations. Lundi, Renault avait annoncé avoir saisi la justice française sur des flux financiers similaires.

  • Les anciennes affaires : des revenus minorés entre 2010 et 2018

Carlos Ghosn a été arrêté le 19 novembre 2018, et mis en examen une première fois le 10 décembre, au terme d’une première garde à vue de vingt-deux jours, pour avoir minoré ses revenus dans les rapports de Nissan remis aux autorités boursières entre 2011 et 2015. Au total, sur cette première période, il aurait sous-évalué de 5 milliards de yens (37,7 millions d’euros) sa rémunération, qui s’élevait à près de 10 milliards.

Il a été de nouveau mis en examen le 11 janvier pour des faits similaires ayant eu lieu entre 2015 et 2018 avec un préjudice avoisinant les 4 milliards de yens (30,1 millions d’euros) et pour abus de confiance aggravé. Le parquet japonais reproche aussi à M. Ghosn d’avoir transféré à Nissan « des pertes sur des investissements personnels » à l’automne 2008, au moment de la crise financière. Dans le cadre de ces enquêtes, l’ex-PDG a passé plus de cent jours en prison, du 19 novembre 2018 au 6 mars 2019.

Carlos Ghosn à sa sortie de prison, le 6 mars. / 164520+0900 / AP

  • En France : une enquête préliminaire sur le financement de son mariage

Le 11 mars, le parquet de Nanterre a par ailleurs ouvert une enquête préliminaire après avoir reçu un signalement de Renaut concernant le mariage de son ancien patron au château de Versailles, en 2016. Le groupe automobile a expliqué avoir découvert « qu’une contrepartie de 50 000 euros, dans le cadre d’une convention de mécénat signée avec le château de Versailles, a été affectée au bénéfice personnel de M. Ghosn » pour son mariage, le 8 octobre 2016. M. Ghosn s’est dit prêt à rembourser les 50 000 euros dont il a bénéficié.

  • Carlos Ghosn se dit innocent et victime d’un complot

Carlos Ghosn a annoncé, mercredi, la tenue d’une conférence de presse le 11 avril, où il promet de « dire la vérité ». Mais son arrestation, quelques heures plus tard, a bousculé sa communication. Dans une interview accordée à TF1 et LCI, diffusée jeudi 4 avril, l’ex-dirigeant se dit « innocent » et dénonce une « démolition systématique » de la part de « personnes à l’intérieur de Nissan » : « Il y a un acharnement, qui n’est pas récent, qui a démarré le jour de mon arrestation, le 19 novembre 2018, et ne s’est jamais arrêté. »

  • Chez Renault, l’ère Ghosn soldée

Depuis le 24 janvier et la démission de M. Ghosn de son poste de PDG, c’est Jean-Dominique Sénart qui préside le conseil d’administration (CA) de Renault. Le même a pris la tête, à la mi-mars, de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.

Mercredi, le CA a décidé que M. Ghosn ne pourrait prétendre à sa « retraite-chapeau » de 774 000 euros par an, ni à quasiment aucune sorte de rémunération (clause de non-concurrence, actions, etc.). Le CA a aussi condamné les pratiques de son ex-patron : « Des dépenses engagées par l’ancien président-directeur général sont source de questionnements, en raison des pratiques contestables et dissimulées », écrit-il dans un communiqué.