La militante suédoise Greta Thunberg, le 29 mars à Berlin. / Markus Schreiber / AP

A première vue, c’est une nouvelle dont il n’y a que lieu de se réjouir. Après quatre années de stagnation, les émissions de gaz à effet de serre ont reculé, en Allemagne, de 4,2 % entre 2017 et 2018. Annoncée, mardi 2 avril, par le ministère de l’environnement, cette baisse n’a pas manqué d’être saluée par la ministre elle-même, Svenja Schulze, membre du Parti social-démocrate (SPD) : « Cela montre que des mesures favorables au climat, comme l’efficacité énergétique, la sortie du charbon et les échanges de quotas d’émissions produisent des effets », s’est félicitée Mme Schulze sur Twitter.

La ministre ne s’est toutefois pas contentée de ce satisfecit. Certes, ces bons chiffres tiennent en partie à la baisse de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles (charbon et lignite) ainsi qu’au développement des énergies renouvelables. Mais l’évolution du mix énergétique, dans un pays où les centrales à charbon, qui produisent environ 38 % de l’électricité, et dont la fermeture progressive doit s’échelonner d’ici à 2038, n’est qu’une partie de l’explication. La ministre ne s’en est d’ailleurs pas cachée. La baisse des émissions de gaz à effet de serre « tient également à des facteurs extérieurs, et notamment climatiques », a-t-elle reconnu.

« Dans de nombreux cas, les cargos n’ont pas pu naviguer sur les rivières, ce qui a entraîné une pénurie de fuel de chauffage et une hausse des prix »

Sur les 38 millions de tonnes de CO2 émises en moins par l’Allemagne en 2018 par rapport à l’année précédente, 15 concernent en particulier les ménages, dont la consommation de fuel a fortement baissé à cause de la douceur des températures et de la sécheresse de l’été 2018, le plus chaud depuis 2003 en Allemagne, provoquant une baisse importante du niveau d’eau des rivières. « Dans de nombreux cas, les cargos n’ont pas pu naviguer sur les rivières, ce qui a entraîné une pénurie de fuel de chauffage et une hausse des prix. De nombreux clients peuvent ainsi avoir reporté l’achat de fuel de chauffage à 2019 », indique le rapport de l’Agence fédérale de l’environnement, publié par le ministère.

Réagissant à ces chiffres, et dans l’attente du bilan définitif pour l’année 2018, qui ne sera connu qu’en 2020, les associations de défense de l’environnement ont refusé, quant à elles, de décerner le moindre compliment au gouvernement. « Le recul des émissions de gaz à effet de serre entre 2017 et 2018 n’est pas le fruit de l’action politique, mais a pour cause principale l’été très chaud que nous avons vécu en 2018 », a ainsi commenté l’association Deutsche Umwelthilfe, mardi, dans un communiqué. « Les chiffres de 2018 montrent à quel point le gouvernement reste loin de ses propres objectifs », a souligné, de son côté, la branche allemande du Fonds mondial pour la nature (WWF).

Là est sans doute l’essentiel. En 2007, l’Allemagne s’était engagée, d’ici à 2020, à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Or cet objectif est loin d’être atteint : en 2018, la baisse n’était que de 30,6 % par rapport à 1990…

La « chancelière du diesel »

A l’heure où la question du climat occupe une place de plus en plus centrale dans le débat public en Allemagne, ce dont témoignent la forte poussée des Verts et l’écho qu’y rencontre le mouvement « Fridays for Future«  – plus de 20 000 participants ont manifesté, le 29 mars, à Berlin, en présence de la militante suédoise Greta Thunberg, invitée deux jours plus tard d’un des talk-shows télévisés les plus regardés du pays –, le gouvernement semble toutefois avoir compris qu’il ne peut pas se contenter de chiffres pour une fois encourageants, mais qu’il doit se montrer plus offensif. Soucieuse de faire oublier son image de « chancelière du diesel » qui lui colle à la peau, Angela Merkel elle-même a décidé de changer de ton, allant jusqu’à déclarer, mardi, qu’un « changement radical » devait se produire dans le domaine des transports.

La question est en effet centrale. Les chiffres publiés mardi montrent que, dans ce secteur, la diminution des émissions de gaz à effet de serre a été seulement de 2,9 % entre 2017 et 2018. Or le gouvernement, dans ce domaine, tarde à agir, comme l’ont rappelé les récentes déclarations du ministre des transports, le conservateur bavarois Andreas Scheuer (CSU), opposé à l’instauration de mesures coercitives, notamment fiscales, ainsi qu’à l’instauration d’une vitesse limite sur les autoroutes, réclamées par les défenseurs de l’environnement.

Ces déclarations rappellent à quel point une partie de la majorité – parmi les conservateurs, mais également chez les sociaux-démocrates, attachés à la défense des emplois dans l’industrie – regimbe à l’idée de fixer des objectifs contraignants en matière de réduction de gaz à effet de serre. Un manque d’ambition que dénoncent déjà les associations à propos de la future loi sur le climat, prévue dans le « contrat de coalition » signé en février 2018, et que la ministre de l’environnement s’est engagée à faire adopter d’ici à la fin de cette année.