Pochette de l'album ¿ Que Vola ? / No Format

Que vola ? Quoi de neuf dans le jazz ?

Le tromboniste Fidel Fourneyron, directeur de la Fanfare du Carreau, artiste associé du Petit Faucheux, ancien membre de l’Orchestre National de Jazz, Tintin défricheur (Il mène de nombreux projets de front comme Un Poco Loco ou Animal), a découvert Cuba en 2012 en suivant le chemin de son ami, le contrebassiste Thibaud Soulas.

Sans même le connaître, Thibaud donne à Fidel l’adresse de sa famille cubaine, lui prodigue les pièges à éviter et le met en contact avec les « bonnes personnes ». Est-ce la prédestination de son prénom ? Fidel plonge dans le bain cubain. Il fait la connaissance avec Adonis, Ramón et Barbarito, les percussionnistes d’Osain del Monte, le groupe de rumba qui est en train d’exploser. Avec eux, il fait le bœuf, s’initie aux batà. Fidel est fasciné par les cérémonies religieuses dont ces tambours traditionnels constituent l’élément central.

Dès le voyage suivant, Fidel revient avec son idée en tête. Avec Thibaud, ils montent un répertoire, et grâce au soutien de patrons de festival comme Xavier Lemettre de Banlieues Bleues, il fait venir les Cubains en France. Entre 2017 et 2018, ils enchaînent les tournées. Le label No Format les enregistre durant l’été 2018. Moins expérimental que les concerts, l’album n’en reste pas moins novateur.

Le dispositif : les trois joueurs de batà, deux trombones, deux sax, un Fender, basse, batterie. Les deux familles musicales ont dû apprendre à s’apprivoiser sous l’oeil amusé de l’ami Tibo. Pendant la préparation du premier concert de Mont-De-Marsan, les Cubains chambrent des Français le nez dans leurs partitions. Ils sont déroutés par l’approche intellectuelle de la musique, mais une fois sur scène ils réalisent que ça joue vraiment.

Jazz et rumba, même combat ?

Les rythmes afro-cubains, un bon support pour les expérimentations jazzistiques ? La réponse nous est donnée par le pianiste de jazz cubain Alejandro Falcon, qui a réarrangé le répertoire de Los Munequitos de Mantanzas. « La fusion du guaguancó avec le jazz fonctionne car notre musique est de racine africaine et, à l’instar du jazz, elle a une philosophie d’union, d’échange et de liberté, comme en témoignent les improvisations et surtout la richesse rythmique que présente ces deux genres. »

Dans ¿ Que Vola ?, la ligne mélodique disparaît. Ce sont les tambours qui impriment l’intention. Le Rhodes lie le tout et distille des ambiances. L’idée est de s’affranchir du carcan du montuno. Car même si il est jazz, le latin jazz est à la base une musique de danse, avec toutes les contraintes que cela implique. Est conservée la structure de questions/réponses, propres aux musiques afro-caribéennes, à ceci près que les voix ici sont celles des instruments à vents.

Seul titre de musique sacrée (Un second, Los Tres Guerreros, vient de sortir sous la forme d’un single), l’introduction aux tambours issue de l’Oro Seco est une ôde à Chango (une des divinité de la religion Yoruba), jouée par Ramoncito qui se définit lui-même comme « fils de Chango ». Les titres emblématiques, Calle Luz, Fruta Bomba ou ¿Que Vola ? (sur la base d’une columbia emmenée par Adonis) regorgent d’invention et sont prétextes à toutes les démonstrations.

Inspiration coltranienne

Si la liberté transpire du jeu des soufflants, les joutes entre cuivres et batà poussent parfois les Français au forfait. « Ils étaient trop forts ! » plaisante Fidel. En retour, les jazzmen, plus libres dans leur interprétation, leur glissent quelques pièges. L’idée maîtresse reste celle de la transe, née des rythmes africains. A ce titre ¿ Que Vola ? revendique une inspiration ouvertement coltranienne.

Et si les titres les plus propices aux expérimentations étaient ceux issus de traditions moins connues ? Nganga par exemple, inspiré du palo, interprété par Adonis, le palero, Lyesa (une autre forme de liturgie) ou encore Resistir, le titre de Thibaud. Une œuvre épique inspirée de la tradition Abakua, une société secrête de Cuba, dont étaient membres « Machito » (Barbarito) et son papa, l’ami de Thibaud aujourd’hui disparu.

Printemps 2019. Les musiciens français s’apprêtent à retrouver leurs copains cubains. Une nouvelle tournée, plusieurs dates en France, suivies demain de Londres et bientôt New York. Une perspective de rencontre avec un nouveau public plus excitante que jamais pour les musIciens qui souhaitent voir leur projet à chaque concert évoluer dans une volonté commune de repousser les limites.

Album : « ¿ Que Vola ? » (2019, No Format)

¿ Que Vola ? en concert : Le 4 avril 2019 à Gradignan, le 5 avril à Auch, le 6 avril à Arcachon, le 7 avril à Clermont Ferrand, 10 avril à Londres, le 12 avril à Massy, le 13 avril à Ajaccio, du 27 au 29 juin à New York et le 9 août à Jazz In Marciac.

Les musiciens de ¿ Que Vola ? sont : Adonis Panter Calderon, Barbaro Crespo Richard, Ramon Tamayo Martinez (percussions), Fidel Fourneyron (trombone & direction musicale), Aymeric Avice (trompette), Hugues Mayot (saxophone ténor), Benjamin Dousteyssier (saxophone alto et baryton), Bruno Ruder (Fender Rhodes), Thibaud Soulas (contrebasse & co-direction musicale), Elie Duris (batterie).